Lambaréné – Dans une affaire qui met en lumière la complexité de la gestion des ressources naturelles au Gabon, N.A, Membre de la Délégation Spéciale en charge du Conseil Départemental de l’Ogooué et Lacs, a été reconnu coupable d’exploitation forestière illégale et condamné par le Tribunal de Première Instance de Lambaréné. Ce dernier a prononcé une peine de trois (3) mois de prison avec sursis, assortie d’une amende d’un million de francs CFA et de 100.000 francs CFA de dommages et intérêts à F.B, l’une des parties plaignantes.
L’affaire a été portée devant la justice par F.B et S.M, avec le soutien de l’Association des Communautés du Lac Oguemoué (ACLO) et l’ONG Conservation Justice (CJ).
Des manœuvres frauduleuses avérées
N.A a été accusé d’avoir exploité illégalement des périmètres forestiers aux abords du Lac Oguemoué, coupant, enlevant et transportant des essences forestières sans l’autorisation requise. Le verdict du 3 septembre 2024, bien que sévère sur le plan des faits reconnus par la justice, a néanmoins suscité des réactions mitigées de la part des plaignants. En effet, le Tribunal, statuant en correctionnelle, a ordonné la confiscation des 268 m³ de bois sciés au profit de l’État, mais a, en revanche, restitué à N.A le matériel lourd utilisé pour cette exploitation illégale, y compris une barge, deux machines de type Caterpillar 528 et une scie mobile Lucas Mill.
### Une sentence jugée trop clémente
Si la condamnation de N.A marque une victoire juridique pour les plaignants, ces derniers, appuyés par l’ACLO et l’ONG Conservation Justice, estiment que la sentence ne reflète pas la gravité des faits. Selon eux, le retour du matériel confisqué pourrait permettre à l’accusé de poursuivre ses activités illégales. C’est pourquoi, insatisfaits du verdict, ils ont décidé de faire appel.
« Ce matériel pourrait être à nouveau utilisé pour des activités d’exploitation forestière illégale. Cette décision envoie un message inquiétant quant à la capacité de l’État à faire respecter les lois environnementales dans cette région », déclare un représentant de Conservation Justice.
Des projets communautaires freinés
L’affaire s’inscrit dans un contexte de lutte pour la protection des ressources naturelles au profit des communautés locales. Depuis 2021, l’Association des Communautés du Lac Oguemoué milite pour la création d’une Forêt Communautaire dans la zone exploitée illégalement par N.A. Toutefois, cette initiative est bloquée en grande partie en raison de l’opposition de ce dernier. Pour l’ACLO, la gestion communautaire de la forêt serait un atout pour le développement local, bénéficiant à l’ensemble de la communauté plutôt qu’à une seule personne.
« La création de cette forêt communautaire permettrait de préserver les ressources naturelles et d’en tirer un profit durable pour toute la communauté, tout comme nous le faisons avec notre plan de gestion de la pêche, le seul de ce genre au Gabon », souligne un membre de l’ACLO.
Un appel pour une justice plus stricte
Malgré la confiscation du bois illégalement abattu, le rejet de la plainte des coopératives locales par le Tribunal ainsi que la non-constitution de partie civile de l’ONG Conservation Justice ont soulevé des inquiétudes parmi les défenseurs de l’environnement. Ils estiment que la justice doit être plus rigoureuse afin de dissuader toute forme d’exploitation illégale, surtout dans une zone aussi fragile que celle du Lac Oguemoué.
L’affaire en appel sera donc très attendue, car elle pourrait marquer un tournant dans la gestion des forêts communautaires au Gabon, et plus largement, dans la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles dans le pays.
En attendant, les communautés locales espèrent que leur voix sera enfin entendue et que la justice privilégiera l’intérêt collectif au détriment des actions individuelles qui nuisent à l’environnement et au développement durable.