Face aux divisions politiques, les ressortissants misent sur l’union sacrée pour sortir de l’ornière
Dans les salons feutrés de la Chambre de commerce, quelque chose d’inédit s’est joué ce samedi 14 juin 2025. Pour la première fois depuis des lustres, les fils et filles de Mulundu ont choisi de regarder au-delà de leurs querelles partisanes pour dessiner ensemble l’avenir de leur territoire. Une révolution silencieuse qui pourrait bien changer la donne politique dans l’Est gabonais.

Quand l’urgence impose l’union
Le constat dressé par Arnaud Mambo, porte-parole du Mulundu Delta Force, frappe par sa lucidité brutale : « L’offre politique servie jusqu’ici n’était plus de nature à garantir le développement de notre localité. » Derrière cette phrase, toute l’amertume d’une communauté fatiguée de voir ses élus se chamailler pendant que les routes se dégradent et que les jeunes s’exilent faute d’opportunités.
Le choix du nom n’est pas fortuit. « Delta Force », cette unité d’élite déployée dans les situations critiques, résume parfaitement l’état d’esprit des initiateurs. Car c’est bien d’une mission de sauvetage qu’il s’agit. Sauver Mulundu de ses démons politiques, de ses divisions ethnolinguistiques, de ses ambitions personnelles qui ont trop longtemps primé sur l’intérêt général.

Ce qui frappe dans cette démarche, c’est sa volonté affichée de dépasser les traditionnels clivages. Edmond Mbanda Ndzendzilet, président du mouvement, ne mâche pas ses mots : « Depuis trop longtemps, notre département s’est enfoncé dans une spirale où les divisions de toutes sortes, les ambitions personnelles et les égos hypertrophiés ont supplanté l’unité. »
Cette autocritique collective marque un tournant. Plutôt que de pointer du doigt l’adversaire politique, les organisateurs reconnaissent leurs responsabilités partagées dans l’enlisement du département. Une maturité politique rare qui ouvre la voie à de vraies solutions.

Loin des grandes envolées creuses, le MDF mise sur le concret. Présenter des candidats aux législatives et locales, certes, mais avec une ambition claire : « redéfinir les usages, purger les mécanismes clientélistes ou népotistes, et instaurer une gestion fondée sur la compétence. »
Cette approche séduit même au-delà des frontières du mouvement. Clémenceau Owanga, président de Générations de Progrès, n’a pas hésité à apporter son soutien, preuve que l’idée d’une plateforme transcendant les appartenances politiques fait son chemin.
Dans un contexte national où les élites politiques peinent à sortir des logiques partisanes, l’initiative mulundienne détonne. Elle montre qu’il est possible de faire de la politique autrement, en privilégiant l’efficacité sur les étiquettes, la compétence sur les réseaux.
« Il n’est point de progrès durable sans participation collective », martèle Mbanda Ndzendzilet. Cette philosophie de la mutualisation des énergies tranche avec les pratiques habituelles où chaque clan tire la couverture à soi.
Le test de la réalité
Reste maintenant à transformer l’essai. Car entre les bonnes intentions et leur mise en œuvre, il y a souvent un gouffre que la politique locale connaît bien. Les prochaines échéances électorales constitueront le premier test de cette nouvelle approche.
Le pari est audacieux : convaincre les électeurs qu’il est possible de voter pour des candidats non pas parce qu’ils appartiennent au bon camp, mais parce qu’ils portent les meilleurs projets. Un défi de taille dans un département habitué aux réflexes communautaires.

Si l’expérience mulundienne réussit, elle pourrait bien faire école. À l’heure où le pays cherche de nouveaux modèles de gouvernance, cette démarche bottom-up offre une alternative crédible aux pratiques politiciennes traditionnelles.
Car au fond, ce qui se joue à Mulundu dépasse les frontières du département. C’est la démonstration qu’une autre politique est possible, fondée sur l’union des bonnes volontés plutôt que sur la division des intérêts particuliers.
Le réveil de Mulundu n’est peut-être que le début d’une révolution tranquille qui pourrait bien gagner l’ensemble du territoire gabonais. À condition que les acteurs politiques nationaux sachent s’inspirer de cette leçon venue de la base.
