Nous publions l’intégralité de la réaction de l’Honorable Jean Bosco Ndjounga.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Suite à la récente déclaration de Monsieur Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’Union Africaine et ancien Ministre tchadien des Affaires étrangères, publiée dans le journal *Jeune Afrique*, je souhaite émettre quelques observations en réponse, dans un esprit de dialogue constructif et de respect des souverainetés nationales.
Monsieur Moussa Faki Mahamat a affirmé, lors d’une interview fin juin avec *Jeune Afrique*, que les militaires assurant des transitions ne devraient pas se présenter aux élections. Parmi les pays en transition, il a notamment mentionné le Gabon dans ses propos. Cette prise de position appelle à une réflexion sur la cohérence et l’universalité de l’approche de l’Union Africaine (UA) face aux situations de transition politique. Je me permets ainsi de rappeler quelques principes fondamentaux au Président de la Commission de l’Union Africaine :
1. Primauté de l’ordre constitutionnel national
En ce qui concerne la République gabonaise, il est essentiel de rappeler qu’en dehors du texte juridique encadrant la transition, notre pays est régi par une Constitution adoptée en 1991, fruit de la volonté démocratique et pluraliste de la nation gabonaise. Cette Constitution est la référence fondamentale de notre système juridique et politique et ne saurait être supplantée par des injonctions extérieures. L’UA, bien qu’influente, ne dispose pas du mandat de dicter des orientations aux États membres souverains, au-delà de son rôle d’assistance et de médiation. La primauté de l’ordre constitutionnel interne doit être respectée pour garantir que chaque pays conserve la liberté de définir et de réguler ses propres processus politiques et juridiques.
2. Uniformité et impartialité dans les positions de l’Union Africaine
La position de l’UA concernant les régimes militaires en Afrique semble souffrir de contradictions. Des sanctions et suspensions ont été appliquées de manière stricte à certains pays d’Afrique de l’Ouest par des organisations similaires, tandis que l’UA a adopté une approche bien plus tolérante à l’égard du Tchad, pays d’origine de Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine, lors de la succession du Président Idriss Deby Itno. Cette disparité de traitement peut remettre en question l’impartialité de l’UA dans la gestion des transitions démocratiques sur le continent. Pour préserver sa crédibilité et son rôle d’organisme panafricain, l’UA doit appliquer ses principes de manière uniforme, indépendamment des affiliations nationales, afin d’éviter toute perception de favoritisme.
3. Respect du droit à l’autodétermination des peuples
Chaque pays africain possède un contexte politique, social et culturel unique, ce qui implique que les transitions politiques doivent être adaptées aux réalités locales. En imposant des restrictions sur les modalités de transition et de participation électorale, l’UA risque de miner le droit des peuples à l’autodétermination. Le choix de participer ou non aux élections relève de la volonté citoyenne et des institutions nationales du Gabon. Toute directive unilatérale ignorant cette réalité pourrait être perçue comme une ingérence dans les affaires intérieures d’un État souverain, idée qui ne saurait être soutenue par les États membres.
Pour conclure, j’attire l’attention de Monsieur Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’Union Africaine, sur la nécessité, pour l’Union Africaine, de respecter la souveraineté des États membres et de garantir une application équitable de ses principes. Je souhaite rappeler au Président de la Commission de l’Union Africaine la souveraineté populaire du Gabon, affirmée depuis le 30 août 2023.
Je tiens également à souligner que le processus de la transition est en cours, et nous sommes dans les préparatifs de l’adoption, par voie référendaire, de la nouvelle Constitution. Au terme de ce processus, conformément au calendrier de la transition, des élections auront lieu, et tout citoyen, civil ou militaire, remplissant les critères d’éligibilité proposés dans la nouvelle Constitution pourra se présenter.
J’encourage l’Union Africaine à adopter une posture de soutien aux transitions inclusives et démocratiques en tenant compte des spécificités de chaque pays, plutôt qu’en envisageant d’imposer des normes qui risquent de ne pas être en adéquation avec les réalités locales.
Fait à Libreville, le 29 octobre 2024.
Jean Bosco NDJOUNGA.