Tribune Libre : « Le vrai débat est là: L’indigeste ingratitude envers Omar Bongo… »,Télesphore Obame Ngomo

En observant la situation dramatique et pathétique dans laquelle notre pays est plongé, on en vient à se demander si Omar Bongo y a vraiment laissé des hommes et des femmes dotés d’un minimum de dignité, d’honneur voire même de sagesse. Sinon, comment comprendre que les principes sur lesquels il avait basé sa gestion du pouvoir ont subitement foutu le camp? 

 

Le dialogue est devenu une denrée plus que rare. Les gabonais au sommet, devant pourtant montrer l’exemple, se regardent en chien de faïence. La discorde politique entre Ali Bongo et André Mba Obame qui a divisé le pays et suscité des haines inacceptables de part et d’autre a été le symbole même de la démission de nos anciens.

 

Il n’y a même pas eu un seul des générations précédentes, aux deux acteurs, qui a tenté de faire asseoir ces anciens amis. Ce fut déjà à cette époque, un indicateur très grave du handicap qui accablera le Gabon. Est-ce normal dans le pays de celui qui a bâti son image, sur le plan national comme international, sur la paix par le dialogue ?

 

Quid de la tolérance qui a permis au président Omar Bongo de construire un certain état d’esprit, favorisant la recherche et le développement de la paix en tout temps? En 2021 encore, des gabonais sont exilés pour des raisons de désaccords d’idées politiques et on ne trouve aucun ancien pour remédier à ces situations. Des gabonais sont emprisonnés, de plus en plus arbitrairement, sans que cela n’émeuve aucun ancien.

 

De Bertrand Nzibi à Nicolas Nguema en passant par Pascal Oyougou à Brice Laccruche Alihanga, leurs arrestations ne choquent aucun ancien de notre pays. Cela semble être l’affaire, uniquement, de leurs familles. Est-ce normal ? On est juste tenté de dire à qui le tour puisque c’est le nouveau projet de société en cours, pondu à la va vite puisque l’égalité des chances présentée en 2016 est devenue une chimère.

 

Il semble se créer la République des arrestations par les chantres de l’émotion, du complexe et de la méchanceté gratuite. De la pure irresponsabilité dans un pays où toutes les familles sont liées.

 

Le Gabon qui était reconnu et envié pour son sens de l’échange entre hommes, qui vivait au rythme des principes d’Omar Bongo, qui n’avait de cesse d’affirmer que » sa meilleure vengeance c’était son pardon », n’est plus qu’un chantier où se forge tout esprit de rancœur, de violence et de vengeance. Attention à cet état d’esprit pacifiste qui tend vraiment à disparaître. Et dans cet exercice suicidaire sur le plan politique, il ne faut surtout pas miser sur l’armée pour se tirer d’affaire car, en son sein, les frustrations accumulées atteignent des sommets insoupçonnés. Par conséquent, leur passivité sera légitime.

 

D’ailleurs, en 2020, des gabonais ont lynché d’autres gabonais, parfois à la barbe des forces de sécurité excédées, pour des fallacieuses raisons. C’est dire l’état d’esprit qui a épousé certains compatriotes avec le climat suscité par le sommet. Nul ne saurait affirmer avec exactitude le nombre de personnes déjà infectées par cet état d’esprit déplorable.

 

Cependant, (1) au regard des actes de violence enregistrés ça et là, (2) en suivant l’absence de retenue quand les activistes et les internautes pilonnent les autorités de la République à longueur de publications, (3) en comptabilisant les frustrations suscitées chaque jour par des décisions répressives et cyniques, (4) en maintenant les restrictions des libertés justifiées par la pandémie du Covid-19, oubliant les causes principales de Mai 68 en France ayant conduit au déclin du libérateur de la France, le général de Gaulle, (5) en observant la précarité débordante qui agace la majorité des gabonais, (6) en voyant tout le cinéma qui se joue au sommet de l’Etat avec en bonus, le bal des incompétents, (7) en appréciant la montée vertigineuse de la xénophobie suscitée par la promotion des vagues d’étrangers au profil académique douteux et à l’expérience professionnelle approximative, tout ceci risquerait de faire exploser la stabilité de notre pays à la moindre occasion, notamment la période électorale à venir. Ce ne sera que le résultat d’un état d’esprit qui aura été construit au fil du temps.

 

Omar Bongo voulait la paix sociale dans son pays, il a usé des méthodes qui lui étaient propres pour y parvenir. Et il l’a obtenu. Certains faits parlent d’eux mêmes. On le voit bien, dans ses relations avec ses adversaires politiques, qui n’étaient pas avare en injures diverses et en attaques amères, il faisait la démonstration qu’il gagnait plus à les avoir de son côté que contre lui. Résultat ayant justifié ses 42 ans de règne sans discontinuité.

 

Cet objectif porteur pour la stabilité du pays et bénéfique sur le plan politique a été remplacée par une méchanceté indescriptible des dirigeants où la torture est devenue systématique, la menace récurrente, les arrestations arbitraires et les autres dérives, inhumaines et abondantes. Pas un seul ancien, aussi bien dans la majorité au pouvoir que dans l’opposition pour dire stop ca suffit. Cette situation n’est que la conséquence d’une cupidité à couper le souffle couronnée d’une bonne dose d’égoïsme.

 

Quel dommage. Où est cet orgueil du pauvre si cher à Philippe Séguin qui invitait les Hommed dignes « à ne jamais prendre ce qu’on ne peut pas rendre ». Et Omar Bongo en colère de déclarer un jour « votre égoïsme vous perdra ». Et nous y sommes.

 

Qui parmi les fonctionnaires ou les acteurs politiques de notre pays peuvent justifier leur fortune aujourd’hui sans y associer la générosité d’Omar Bongo. Combien de personnalités politique ou publique pourraient faire la démonstration de leur héritage financier ancestral ? A la vérité nous devons dire ici que nombreux sont fortunés parce que (1) soit Omar Bongo a été trop ou très généreux avec eux, ou (2) soit il a été trop indulgent avec ces derniers lorsqu’ils confondaient leur salaire et l’argent devant servir au bien commun.

 

Mais, malgré cette réalité qui a permis à beaucoup de connaître des jours heureux, de vivre dans l’abondance financière et l’aisance matérielle, combien ont pris la peine de s’indigner quand le dernier enfant d’Omar Bongo se trouve empêcher de séjourner en terre gabonaise. Lui qui s’est battu, jusqu’à s’humilier publiquement, pour que son épouse Edith Lucie Bongo Ondimba, soit enterrée au Gabon?

 

N’est-ce pas une honte et une ingratitude indigeste envers celui qui a façonné de nombreuses carrières et offert un statut social confortable à des gens qui auraient pu finir comme des citoyens lambda et qui auraient pu ne pas connaître les fastes qu’offre la République aux privilégiés méritants? Quel type de biens devrait-on encore donner à des gens à qui Omar Bongo a tout donné? Et aujourd’hui, aucun n’est capable de régler une fois pour toute le cas Omar Denis interdit de vivre paisiblement au Gabon?

 

Comment un jeune homme de 26 ans peut constituer une telle menace politique alors qu’il sait que le ressenti, en quasi overdose, des Bongo Ondimba à la tête de l’Etat n’est pas une vue de l’esprit ? Omar Denis est conscient de son potentiel du fait de ses brillantes études mais sait qu’en politique le contexte et le moment sont des moteurs déterminants pour s’engager.

 

D’ailleurs, il sait qu’il serait le grand gagnant de l’affaire s’il contribue à faire entendre la voix du peuple qui pourrait en retour le plébisciter comme élu de sa région natale. Il a déjà l’avantage que son image n’est lié à aucun scandale bien au contraire, il constitue la référence de la probité et de l’intégrité chez les Bongo Ondimba. Un atout non négligeable en tant de lutte contre la corruption.

 

De ce fait, le silence qui entoure sa situation est une véritable ingratitude faite à la mémoire de celui qui a tout donné aux aînés au détriment du bien être du plus grand nombre. Nul doute que depuis lors, Omar Bongo n’a pas cessé de se retourner dans sa tombe. Quelle honte et quelle trahison!

 

Visiblement les anciens de la trempe de Georges Rawiri, Mpouhot Epigat, Simon Essimengane, André Oyini et bien d’autres qui avaient la force, la sagesse et le courage de dire NON ou STOP au président de la République quand ils estimaient que la République dans ses fondements était menacée, ont tous disparu. Le dernier des Mohicans de cette catégorie de sages courageux et forts vient de rendre l’âme, Marcel Éloi Rahandi Chambrier. Le Gabon semble être orphelin des « vieux » pétris de sagesse et de courage.

 

Vous comprenez que ce décor froid posé, la paix sociale est désormais en danger puisqu’il n’existe plus d’anciens, jadis conscience morale dans nos sociétés, capables de mettre fin au désordre qui sévit dans notre pays. Chacun construit son droit qu’il appliquera à sa manière. Est-ce bien cela les enseignements d’Omar Bongo à cette génération démissionnaire ?

 

Dans son oraison politique, Omar Bongo rappela pourtant les fondamentaux devant toute la République. Qui applique ses recommandations ? Qui s’occupe de la jeunesse gabonaise ? Qui pense au Gabon ? Comment pour des raisons bassement matérielles notre pays vient à perdre tous ceux qui étaient censés incarner la morale et la partie lumineuse ou exemplaire de la conscience collective.

 

Mais quelle honte d’être tombé si bas juste parce qu’on protégerait de minables biens matériels qui sortent malheureusement votre nom de la liste des dignes fils de notre pays. Que retiendra t-on de « ces fameux barons » de leur passage au sommet de l’Etat ?

 

Quel regard avez vous face à des hommes comme Sassou Nguesso ? Obiang Nguema, Paul Kagamé et tous les autres quand ils constatent qu’aucune grande voix au Gabon ne s’indigne face au problème d’Omar Denis Junior Bongo Ondimba avec qui il discute régulièrement? Quelle dignité nos  » anciens » qui n’ont plus rien à attendre de la vie entendent ils vendre à l’histoire ? Il y a des causes et des positions qui vous confèrent le statut de chef voire de président.

 

Idriss Ngari peut il imaginer qu’après son passage sur terre, on demanda à sa progéniture de ne plus rentrer sur la terre où il repose? René Ndemezo’Obiang peut-il accepter un tel supplice sur sa famille? Martin Fidèle Magnaga peut-il valider une telle torture aux siens? Jacques Adiahenot peut il croire à l’éventualité d’une telle décision sur sa descendance ? Mais qu’est-ce qu’il faut encore pour choquer ces anciens ? Le cas Omar Denis Bongo Ondimba comme tous les autres exilés n’est pas une affaire de leurs familles mais un dossier des enfants de la République.

 

C’est une honte qu’avec autant d’anciens réunis, aucun ne soit capable de hausser le ton dans la République en dérive. C’est le symbole même de l’échec de toute une génération. Omar Bongo Ondimba n’a finalement laissé aucun disciple politique loyal et sage. La cupidité a corrompu et tué nos vieux. Pauvre Gabon. Par conséquent, aucun ne devra tenter dans les temps à venir de se revendiquer de l’école ou de l’expérience d’Omar Bongo. Car on sait que cette posture sera fortement prisée pour séduire ici et ailleurs. Malheurement elle sera dénoncée parce qu’elle releverait tout simplement de l’imposture.

 

Par Télesphore Obame Ngomo

Franck Charly Mandoukou

Directeur de la publication, Journaliste libre et indépendant. Gabon infos,Toute l'information du Gabon. Les dernières actus, la politique, l'économie, la société, la culture, la justice, les faits divers...