TRIBUNE LIBRE: RÉFLEXION SUR LE CRITÈRE DE NATIONALITÉ DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE GABONAISE

La question des critères de nationalité pour accéder à la présidence du Gabon est complexe et sensible. La proposition actuelle, qui stipule que le président doit être né de père et de mère gabonais, eux-mêmes nés de parents gabonais, vise à protéger l’institution présidentielle. Cette mesure semble être une réaction directe aux critiques formulées à l’encontre de la gestion du pays sous la présidence d’Ali Bongo Ondimba, où certaines personnes ayant des origines étrangères auraient exercé une influence disproportionnée, marginalisant des Gabonais dits « de souche. »

Cependant, cette disposition suscite des inquiétudes et des frustrations. En effet, elle crée une forme d’exclusion pour les Gabonais qui n’ont qu’un parent gabonais, alors même qu’ils se considèrent pleinement comme citoyens. Ces derniers, bien qu’engagés dans la société gabonaise, se verraient privés du droit de briguer la présidence, ce qui soulève des questions d’équité et d’injustice. L’exclusion fondée sur l’ascendance pourrait diviser la population en créant des tensions entre les « vrais Gabonais » et les autres.

Mais au-delà de ces frustrations, il est nécessaire de se demander si ces critères sont vraiment les plus appropriés pour protéger la présidence. Est-ce que le fait d’avoir des parents gabonais garantit une meilleure gestion du pays ? La compétence, l’intégrité et la vision d’un dirigeant sont des facteurs bien plus décisifs. Limiter l’accès à la présidence sur la base de l’ascendance pourrait réduire la diversité des talents et priver le Gabon de leaders qualifiés capables de diriger le pays efficacement.

Dans cette optique, il existe d’autres moyens de protéger la fonction présidentielle sans imposer des critères d’exclusion basés sur l’ascendance. Voici quelques pistes qui pourraient être explorées :

1. Exigences de loyauté et d’engagement patriotique : Plutôt que de se concentrer sur l’origine familiale, il serait pertinent d’établir des critères fondés sur la loyauté envers la nation. Par exemple, exiger des candidats qu’ils aient vécu de nombreuses années au Gabon, qu’ils aient servi dans des fonctions publiques ou qu’ils aient montré un engagement fort au service du pays.

2. Vérifications approfondies des antécédents : Les candidats pourraient être soumis à des enquêtes rigoureuses sur leur parcours, leurs relations avec des entités étrangères et leurs finances. Cela permettrait de s’assurer que ceux qui briguent la présidence n’ont pas de conflits d’intérêts ou d’influences extérieures nuisibles à la souveraineté du Gabon.

3. Serments et engagements publics : Le président pourrait prêter un serment solennel engageant sa responsabilité à protéger les intérêts du Gabon. Des sanctions strictes pourraient être imposées en cas de violation de ce serment, garantissant ainsi que le président œuvre toujours dans l’intérêt national.

4. Renforcement des institutions de contrôle : Une présidence forte ne peut exister sans des institutions robustes et indépendantes. Le Parlement, la Cour constitutionnelle, et d’autres organes de contrôle doivent être en mesure d’encadrer efficacement les actions du président, empêchant tout abus de pouvoir, qu’il soit ou non de père et de mère gabonais.

5. Limitation des mandats et alternance : La limitation du nombre de mandats présidentiels est un autre moyen clé de protéger la fonction. Elle empêche la concentration du pouvoir dans les mains d’une seule personne et favorise l’alternance, ce qui est essentiel pour maintenir la vitalité démocratique.

 

Ainsi, en combinant ces mesures, il est possible de protéger l’institution présidentielle tout en évitant d’exclure des citoyens sur la base de leurs origines familiales. Le Gabon doit aspirer à une présidence basée sur la compétence, la loyauté et l’engagement pour le bien commun, plutôt que sur des critères strictement liés à la lignée.

Au total, la Constituante, le Gouvernement et le Président de la Transition devraient chercher un équilibre entre la protection des institutions et l’inclusivité. En misant sur des critères qui valorisent l’intégrité et la compétence tout en renforçant les institutions de contrôle, il est possible de garantir une fonction présidentielle forte et respectée, sans pour autant diviser ou marginaliser une partie de la population.

Dr.Aristide MAMFOUMBI

Diplômé de l’Institut International de Management d’Israël en Gestion des Crises et des situations d’urgence .