La situation constatée au sein de RÉAGIR (Réappropriation du Gabon, de son indépendance, pour sa reconstruction) émeut l’opinion nationale qui ne comprend pas ce qui se passe réellement. Ce Parti qui s’est rapidement imposé dans le microcosme politique gabonais avant la chute des Bongo, présente depuis quelques temps un spectacle qui relève plus de la comédie de boulevard que de la vie politique. La colère gronde chez les sympathisants.
Une situation qui agace
Le 18 octobre dernier, agissant en qualité de président statutaire de RÉAGIR bien qu’étant en retrait depuis un an en raison de l’article 16 des statuts du Parti qui crée l’incompatibilité de sa fonction de premier vice-président de l’Assemblée nationale de la Transition et celle de sa formation politique, François Ndong Obiang a décidé de mettre fin à l’intérim à la présidence du parti assuré par M. Guy Roger Aurat. Raison évoquée: nécessités. En réalité, François Ndong Obiang s’est appuyé sur plusieurs éléments décriés et une situation délectère entretenue par le Secrétaire Exécutif, Monsieur Jean Valentin Leyama.
Les faits – Après avoir été un acteur de premier plan dans le paysage politique gabonais, RÉAGIR dont le siège a servi de quartier général à la principale coalition d’opposition ; Alternance 2023, s’est subitement reclu dans un mutisme aussi troublant qu’inquiétant, notamment depuis la nomination de Monsieur Aurat Reteno comme président intérimaire. RÉAGIR, qui a tant œuvré pour l’avènement de la Transition et suscité beaucoup d’espoirs, n’a plus jamais pris position sur les débats politiques qui ont marqué la scène politique nationale depuis le 30 août 2023. Une attitude déconcertante, loin de l’image de défenseur des droits des citoyens et de l’état de droit qu’il a toujours porté auprès des populations. Du côté du siège aux Charbonnages, aucune information sur les raisons de ce silence n’avait fuité jusqu’à un certain moment.
Mais en coulisses, les critiques fusent contre le duo Guy-Roger Aurat Reteno-Jean Valentin Leyama, et certains demandent au Secrétaire Exécutif de changer de style. « Il doit revoir sa copie, il y en a qui lui reproche de faire du Parti une affaire familiale. Il faut peut-être qu’il revoit son mode de gestion et sa communication », estime un militant. Selon lui, les dirigeants actuels ont échoué à établir une culture de transparence et d’intégrité, malgré les engagements initiaux. Selon son témoignage, Mademoiselle Eleanor Obame, Secrétaire Générale adjointe de RÉAGIR et Monsieur Leyama régentent d’une main de fer le Parti, le confondant souvent à leur foyer familial. Comment expliquer que l’assistante du Bureau Exécutif soit la nièce de Monsieur Leyama ? Comment expliquer que le responsable informatique soit le neveu direct de Monsieur Leyama ? Qu’est-ce qui explique que la Déléguée des jeunes du Parti, cumulativement à ses fonctions d’attachée parlementaire de Monsieur Leyama se trouve être sa belle fille ?
Notre source exprime son désenchantement face à ce qu’il considère comme des pratiques de favoritisme et de népotisme, au détriment des valeurs de mérite et de transparence qui devraient guider les nominations et les promotions au sein de RÉAGIR.
Les militants et sympathisants de RÉAGIR dénoncent aussi le fait que le duo Aurat Reteno-Leyama sous la coupole de la main invisible de Félix Bongo, inféodé à Omar Bongo Denis se retrouve être de simples marionnettes qui se font l’écho d’une voix non autorisée dans le Parti.
Les dissensions internes agacent aussi les électeurs: « C’est dommage de faire partie de la même famille politique et de se battre « , déplore l’un d’eux. Une situation qui « choque » d’autres militants, qui demandent que la situation cesse.
Quand le critère de sélection ne s’appuie pas essentiellement sur le principe du mérite, cela compromet l’efficacité de toutes composantes, affaiblit la confiance des militants et sympathisants et peut même porter préjudice à l’image du Parti. Et contre toute attente, Guy-Roger Aurat Reteno, celui qui assurait l’intérim du président statutaire pour une période qui n’avait pas été définie a franchi le rubicon, en créant un courant « dissident » au sein de RÉAGIR.
Le temps était donc venu pour François Ndong Obiang de reprendre la main, avant que le parti ne sombre définitivement dans l’anarchie. Pour éviter « le chaos », il désigne Persis Lionel Essono Ondo, un ancien porte-parole du candidat à la présidentielle d’août 2016 Jean Ping, pour remplacer le sulfureux Guy-Roger Aurat Reteno au poste de président intérimaire du Parti. Sa mission principale: ramener un peu d’ordre et de sérénité au sein de RÉAGIR. Ramener une certaine gestion orthodoxe de l’appareil politique et surtout conduire le parti jusqu’à l’organisation du prochain Congrès prévu en mars 2025.
Obnubilé par la conquête du pouvoir et le risque de ne pas pouvoir respecter les engagements pris auprès de leurs donneurs d’ordres congolais, Jean Valentin Leyama qui officiellement avait décidé de démissionner de son poste de Secrétaire Exécutif de RÉAGIR et l’ex président intérimaire Guy-Roger Aurat Reteno n’entendent pas en rester là. Celui dont la démission a été constatée et validée par le Bureau Exécutif le 11 septembre 2024 conformément à l’article 20 des statuts du parti et remplacé le 8 octobre dernier par son protégé Thierry Nguia, en connivence avec Monsieur Aurat Reteno sont désormais en guerre contre le président statutaire du parti dont ils reprochent la proximité avec le président de la transition, le général Brice Clotaire Oligui Nguema.
Les accusations fusent, les déclarations virent à l’aigre. Mais les militants ne sont pas dupes. Proches favorisés, évictions arbitraires, agenda caché, course à l’Enrichissement, sont les motifs qui conduisent ceux qui n’ont plus mandat à s’exprimer au nom de RÉAGIR à se manifester. Mais si la liste des maux au sein de l’instance politique est longue, c’est surtout l’éloignement des engagements initiaux et la mise en œuvre d’un système fondé sur des injustices qui est dénoncé par les militants.
Le nouveau Bureau Exécutif a donc du pain sur la planche. Il s’agit de remettre de l’ordre dans la maison RÉAGIR, de se réinventer, de remobiliser les troupes afin de revendiquer le rôle qu’il peut jouer dans cette nouvelle ère politique. L’avenir du Parti en dépend.