Dans une salle où l’air semblait porter le poids des mois de lutte, le SYNAMAG a choisi de suspendre sa grève ce mardi 25 mars. Une décision lourde, mûrie dans l’âpreté des débats, mais annoncée avec la solennité d’un armistice. Landry Abaga Essono, portant la voix d’un corps meurtri mais digne, a invoqué la sagesse de Daniel Defoe : « Savoir plier son caractère aux circonstances ». Et c’est bien ce qu’ont fait les magistrats : plier, sans rompre.

Une suspension, pas une défaite
Les robes noires ont déposé leurs toges de combat, mais pas leurs revendications. La grève, épineuse et longue, n’a pas arraché les réformes promises. Pourtant, les magistrats se retirent du champ de bataille avec une élégance qui confine à l’art. « Grandeur d’esprit », « sagesse » – les mots d’Abaga Essono résonnent comme un mantra. Ce n’est pas la capitulation d’un corps affaibli, mais la retraite stratégique d’une force qui sait mesurer l’impact de ses coups.

Et quel impact ! Pendant deux mois, les tribunaux ont grelotté dans le silence, laissant le peuple gabonais, « première victime », naviguer dans un labyrinthe judiciaire déserté. Aujourd’hui, les magistrats tendent une main apaisante : « Soulager vos peines, c’est le moins que nous puissions faire ». Une trêve humanitaire, en somme.
Le politique, grand ordonnateur de la justice
Mais derrière cette pause, un avertissement fuse, tranchant comme une lame : « La justice d’un pays est ce que le politique veut qu’elle soit ». Phrase assassine, lancée en pleine période électorale. Les Gabonais, appelés aux urnes, devront interroger leurs futurs dirigeants : quelle justice leur offriront-ils ? Une justice « digne et indépendante », ou une parodie institutionnelle ?

Le message au Président de la Transition est tout aussi cinglant. Les promesses du 30 août 2023, « restauration de la dignité », sonnent creux face à une justice laissée en friche. La métaphore est savoureuse : « On ne nettoie pas une seule pièce en laissant les autres ». Pire encore, cette « dent infectée » qui empoisonne toute la bouche gabonaise. Soigner ? Extraire ? La justice, elle, ne peut être arrachée. Elle exige des remèdes, pas des pansements.
Les sorciers de la transition et l’espoir tenace
Certains, dans l’entourage présidentiel, ont vu dans cette grève un « désaveu » ou une manipulation. Les magistrats balayent ces « accusations dénuées de fondement » avec un mépris silencieux. Leur retrait n’est pas une soumission, mais un choix : celui de ne pas envenimer une période déjà tumultueuse.

Car le Gabon s’apprête à tourner une page. Et dans ce chapitre nouveau, les magistrats entendent bien écrire leur paragraphe. Malgré « les sorciers et les perfides trompeurs », malgré les vents contraires, ils marchent vers « l’édifice nouveau », main dans la main avec le peuple.
La grève est suspendue. La lutte, elle, ne fait que changer de visage.
