Plus de cinquante professionnels se forment aux nouveaux codes de relations publiques et diplomatique dans un Gabon qui veut s’imposer comme hub régional d’excellence protocolaire.
Le protocole n’est plus ce qu’il était. Fini le temps où l’étiquette se résumait à quelques règles de préséance figées dans le marbre des traditions. À l’ère du numérique et des enjeux sécuritaires modernes, les professionnels gabonais du protocole se réinventent. La Masterclass Gabon Protocole 2025, lancée lundi 26 mai au Marial, en est la parfaite illustration.
Une formation panafricaine aux ambitions régionales
Six jours de formation intensive, des experts venus du Togo, du Mali et de Côte d’Ivoire, plus d’une cinquantaine de participants issus des secteurs public et privé : les chiffres parlent d’eux-mêmes. Cette initiative du cabinet Jules Consulting, en partenariat avec le Réseau des Professionnels du Protocole et des Relations Publiques (IPPRP International), dépasse largement le cadre national.
« Le protocole ne s’improvise pas, ça s’apprend », a martelé Jean Koffi Woaké, figure emblématique du réseau IPPRP, fort de ses 32 années d’expérience. Une vérité qui résonne particulièrement dans un contexte où les administrations gabonaises peinent parfois à maîtriser les subtilités d’un métier en pleine mutation.
Digitalisation et cyber-sécurité : les nouveaux défis
Le thème retenu cette année – « protocole, sécurité et digitalisation » – traduit une prise de conscience majeure. Les événements officiels d’aujourd’hui ne se conçoivent plus sans outils numériques, gestion des réseaux sociaux et protocoles de cyber-sécurité. Une révolution qui bouleverse les pratiques traditionnelles.
Jules Hans Bagouendi, président de Jules Consulting, ne s’y trompe pas : « Cette masterclass offre un cadre d’excellence pour répondre aux défis contemporains que sont la digitalisation, la cyber-sécurité et la modernisation des pratiques protocolaires. » Un enjeu d’autant plus crucial que l’image institutionnelle du Gabon se joue désormais aussi sur les plateformes digitales.
Derrière cette initiative se dessine une ambition plus large : faire de Libreville un « carrefour régional d’excellence en matière de diplomatie et de protocole ». Dans un contexte géopolitique où le soft power prend une importance croissante, la maîtrise du protocole devient un enjeu stratégique.
Les témoignages des participants confirment cette attente. M. Ngoma, conseiller en charge du protocole au Secrétariat général du gouvernement, ne cache pas sa satisfaction : « En l’absence de structures pouvant produire ce genre de formation, l’IPPRB nous offre ce privilège. » Un aveu qui souligne les lacunes actuelles du système de formation gabonais dans ce domaine.
Quand l’étiquette devient stratégie d’État
L’engouement suscité par cette formation révèle une prise de conscience : dans un monde interconnecté, la moindre maladresse protocolaire peut avoir des répercussions diplomatiques majeures. Le colonel Koumba Nziengui, de la sécurité pénitentiaire, l’a bien compris : « C’est une opportunité enrichissante et nous avons bien fait d’être présents. »
Cette transversalité – du cabinet ministériel à l’administration pénitentiaire – illustre la démocratisation d’un savoir longtemps réservé à une élite diplomatique. Aujourd’hui, chaque fonctionnaire peut être amené à représenter son institution lors d’événements officiels.
L’expertise de formation locale et étrangère de qualité
L’appel à des formateurs locaux et étrangers, constitue une source d’enrichissement, et illustre le niveau des enseignements à tirer sur les capacités de formation locale. Scholastique Ayoli Letsina, consultante gabonaise spécialisée, promet d’aborder « tous les codes et règles qui permettent de briller en société ». Un savoir-faire qui fait manifestement défaut au niveau national chez les chargés de protocole.
Cependant, ette dépendance à l’expertise extérieure pourrait paradoxalement constituer un tremplin. En s’appropriant ces bonnes pratiques, le Gabon pourrait développer sa propre école de protocole et rayonner à son tour sur la sous-région.
Au-delà de l’événement ponctuel, la question de la pérennité se pose. Comment s’assurer que ces six jours de formation produisent des effets durables ? La création du « Gabon Contact Protocole » par Jules Consulting pourrait constituer un début de réponse, en institutionnalisant cette démarche de formation continue.
Car au fond, cette masterclass révèle un paradoxe gabonais : un pays aux ambitions diplomatiques affirmées, mais encore fragile sur les fondamentaux du protocole. Entre tradition et modernité, entre expertise locale et savoir-faire importé, le Gabon du protocole cherche encore sa voie.
Une voie que ces six jours de formation intensive pourraient bien contribuer à tracer, transformant progressivement les bonnes intentions en véritable excellence protocolaire.
