Gabon : Envolée de la redevance de sûreté aérienne, une décision qui menace la cohésion nationale

À compter du 1er juin 2025, voyager à l’intérieur du territoire gabonais coûtera plus cher. Signé par l’ancien ministre des Transports, Jonathan Ignoumba, l’arrêté ministériel n°000351/MTMM/CAB-M acte une hausse spectaculaire de la redevance de sûreté aérienne applicable aux vols domestiques : de 3 000 FCFA, elle bondit à 7 000 FCFA, soit une augmentation de 133,33 %. Une mesure imposée sans concertation préalable, qui suscite une vive controverse dans un pays où le transport aérien constitue, pour de nombreuses localités enclavées, l’unique lien avec les centres de décision, de soins ou d’opportunités économiques.
L’annonce a fait l’effet d’une onde de choc dans les agences de voyages et les aéroports secondaires. Pour un aller-retour Libreville-Franceville, par exemple, c’est désormais 14 000 FCFA qui s’ajoutent à un billet déjà hors de portée pour bon nombre de Gabonais. « Cela représente près d’un tiers du SMIG », dénonce un agent de voyage dans la capitale. Un coût additionnel qui ne s’accompagne d’aucune amélioration visible des services ni de garanties sur l’utilisation des fonds collectés.
Alors que les alternatives terrestres notamment le chemin de fer restent aléatoires, et que les routes vers Oyem, Koulamoutou ou Makokou sont encore parsemées d’embûches, le ciel devient de moins en moins accessible. En taxant plus lourdement la mobilité intérieure, l’État participe à une forme d’exclusion silencieuse des populations rurales et périphériques.
Cette hausse intervient dans un contexte où le gouvernement affirme vouloir relancer les dessertes régionales, dynamiser les économies locales et renforcer la cohésion territoriale. Paradoxe saisissant : les aéroports de Koulamoutou, Makokou ou encore Oyem viennent à peine d’être réhabilités. Mais sans mesures d’accompagnement, ces investissements risquent de devenir des coquilles vides, dépourvues de trafic faute de passagers en mesure de supporter les coûts.
En l’absence d’une politique tarifaire différenciée par exemple, selon les zones géographiques, les revenus ou les profils socio-économiques cette redevance frappe indistinctement tous les usagers. Elle accentue le déséquilibre déjà existant entre les zones côtières mieux loties et l’intérieur du pays, fragilisant un peu plus le lien national.
Le Gabon, producteur d’or noir, devrait en principe amortir de telles charges sur le citoyen par une redistribution plus équitable de sa rente. Mais la réalité est tout autre. Malgré les revenus tirés du pétrole, les finances publiques demeurent contraintes, les inégalités persistantes et les services publics insuffisamment financés.
Cette hausse brutale de la redevance peut être interprétée comme une réponse à des injonctions budgétaires, imposées dans le cadre de réformes structurelles exigées par les bailleurs internationaux. Plutôt que de rationaliser les dépenses ou de mieux canaliser les revenus extractifs, l’État semble s’en remettre à une stratégie de fiscalité indirecte, souvent au détriment des plus modestes.
L’enjeu dépasse la simple question du prix d’un billet d’avion. C’est celui de l’égalité d’accès aux soins, à l’éducation, à l’emploi, aux instances de décision. C’est aussi celui du droit fondamental à la mobilité, reconnu comme un levier de développement et de citoyenneté. Si rien n’est fait pour corriger cette orientation, le Gabon court le risque de voir s’installer une mobilité à deux vitesses, où seuls les plus aisés pourront se déplacer librement, tandis que les autres seront condamnés à l’isolement.
Franck Charly Mandoukou

Directeur de la publication, Journaliste libre et indépendant. Gabon infos,Toute l'information du Gabon. Les dernières actus, la politique, l'économie, la société, la culture, la justice, les faits divers...