Indemnisation des expropriés à Libreville : quand l’huissier devient gardien des fonds publics

Le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, Ludovic MÉGNÉ, a récemment annoncé que « la liste des personnes indemnisées me sera transmise mardi par le cabinet d’huissier en charge des versements, et nous vous la transmettrons en toute transparence ». Cette déclaration soulève une interrogation cruciale sur le rôle exact des huissiers dans le processus d’indemnisation des expropriés et déguerpis pour cause d’utilité publique, un sujet sensible au Gabon où les crises du logement et les expropriations sont au cœur des préoccupations sociales.

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Dans le droit gabonais, l’indemnisation des expropriés est une obligation légale de l’État, qui doit procéder à un versement préalable via le Trésor public après une décision de justice. La présence d’un huissier, traditionnellement chargé de signifier des actes judiciaires, d’exécuter des décisions de justice ou de constater des faits, dans la gestion directe des versements d’indemnisations interpelle. Quel est donc le mandat exact confié à ce cabinet d’huissier ? Est-il simplement un tiers de confiance chargé de garantir la transparence des paiements, ou bien un acteur central dans la distribution des fonds publics ?

 

La transparence affichée par le ministre Mégné est louable, mais elle doit s’accompagner d’une rigueur juridique et administrative irréprochable. Si l’huissier ne peut justifier le paiement intégral et conforme aux décisions judiciaires, à qui incombe la responsabilité ? L’État, en tant qu’entité souveraine, peut-il se défausser derrière un prestataire privé, même assermenté ? Et dans ce cas, quels mécanismes de contrôle et de reddition des comptes sont mis en place pour protéger les victimes d’expropriations abusives ou incomplètement indemnisées ?

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L’État gabonais est tenu de respecter ses obligations légales, notamment en matière d’indemnisation préalable. En cas de manquement, la responsabilité politique et juridique peut être engagée, y compris celle des ministres et agents publics impliqués dans la chaîne décisionnelle. Le Conseil d’État et la justice doivent être sollicités pour garantir le respect des droits des expropriés et sanctionner les éventuels dysfonctionnements.

 

 

Cette situation met en lumière un flou institutionnel préoccupant. Le rôle inhabituel attribué à un huissier dans la gestion des indemnisations appelle à une vigilance accrue des acteurs judiciaires et de la société civile. Il est impératif que la transparence ne soit pas un simple slogan, mais une réalité vérifiable, sous peine de voir se multiplier les injustices et le ressentiment populaire, à l’image des tensions déjà palpables autour des questions foncières au Gabon.

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