Gab’Oil dans la tourmente : chronique d’un naufrage annoncé

L’entreprise publique Gab’Oil, chargée de la distribution des produits pétroliers et gaziers sur l’ensemble du territoire national, traverse l’une des périodes les plus critiques de son histoire. Les rumeurs de dysfonctionnements financiers, autrefois discrètes, sont désormais au cœur des discussions, alimentées par un climat de confusion et d’opacité.

Depuis septembre 2024, date marquant un changement de direction, la situation de l’entreprise s’est nettement dégradée. Les signaux d’alerte se multiplient : retards de paiement, blocages logistiques, tensions sociales, fragilisation de la trésorerie, accusations de malversations… Les partenaires économiques doutent, les agents s’inquiètent, et les consommateurs en subissent déjà les conséquences.

Gab’Oil n’est pas une entreprise comme les autres. Véritable bras opérationnel de l’État pour l’approvisionnement énergétique, sa stabilité conditionne en grande partie la sécurité nationale, la paix sociale et l’efficacité du tissu économique.

Pourtant, cette entreprise clé semble désormais évoluer sans boussole. Les décisions se font rares, les arbitrages stratégiques sont flous, et les mécanismes de contrôle internes apparaissent affaiblis. En interne, de nombreux cadres dénoncent une gestion « clanique », marquée par des luttes d’influence, des choix improvisés et une mise à l’écart des compétences.

Les inquiétudes ne sont pas uniquement d’ordre organisationnel. Depuis plusieurs semaines, des informations concordantes font état de pratiques financières troubles : facturations sans livraison, commandes redondantes, comptes bancaires hors du circuit habituel… Certaines sources évoquent même une prise de contrôle de flux financiers par des prestataires privés, au mépris des règles de bonne gouvernance.

En réaction, l’administration financière aurait été discrètement saisie pour effectuer des vérifications. Mais en l’absence de mesures fortes ou d’une communication officielle, le doute s’installe et s’amplifie.

Ce retour en arrière est d’autant plus regrettable que l’entreprise avait amorcé, quelques mois plus tôt, une dynamique de réformes. Ces efforts – révision des contrats, contrôle des charges, modernisation des outils, lutte contre la fraude, développement territorial – avaient suscité un regain de confiance tant en interne qu’auprès des partenaires extérieurs.

Mais depuis le changement à la tête de l’entreprise, cette dynamique semble interrompue. Les observateurs parlent d’un « abandon méthodique des efforts de redressement », laissant l’entreprise vulnérable à de nouveaux intérêts et à des pratiques contraires à l’éthique publique.

Face à cette crise, le silence des autorités de tutelle interroge. Faut-il attendre que la situation dégénère davantage pour intervenir ? Peut-on se permettre de laisser dériver un acteur aussi stratégique sans réaction ferme ni transparence ?

L’urgence d’une reprise en main

Il est encore temps d’agir. Pour éviter que Gab’Oil ne sombre davantage, les autorités doivent impérativement :

  • diligenter un audit indépendant de la gestion depuis septembre 2024 ;

  • identifier les responsabilités des dérives actuelles ;

  • et surtout, restaurer une gouvernance forte et intègre, capable de remettre l’entreprise sur les rails de l’efficacité, de la transparence et de la stabilité.

La souveraineté énergétique du Gabon ne peut dépendre d’une entreprise à la dérive. Il en va de l’intérêt national, de la crédibilité de l’action publique et de la préservation des deniers du contribuable.

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