Des enregistrements compromettants révèlent l’ampleur des pressions exercées sur la justice gabonaise
La branche traditionnelle Parti Démocratique Gabonais (PDG) a publié hier un communiqué d’une rare violence, accusant les plus hautes autorités du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) d’avoir orchestré une vaste entreprise de manipulation judiciaire et d’extorsion. Ces accusations, étayées selon le parti par des enregistrements audiovisuels qui circulent massivement sur les réseaux sociaux, jettent une lumière crue sur les méthodes du régime de transition dirigé par Brice Clotaire Oligui Nguema.
Une juge d’instruction au cœur du scandale
Au centre de ces révélations figure Madame Leila Ayombo Moussa épouse Biam, juge d’instruction en charge du dossier de corruption visant l’ancien président Ali Bongo Ondimba et sa famille. Dans les enregistrements dénoncés par le PDG, cette magistrate affirmerait agir « sous les ordres directs des collaborateurs militaires » du président de la Transition. Une déclaration qui, si elle était avérée, remettrait en question l’indépendance de la justice gabonaise.
Le PDG va plus loin en accusant les autorités d’avoir organisé des « perquisitions théâtralisées » et des mises en scène de preuves de corruption, le tout « sous la menace d’armes à feu ». Ces révélations transforment radicalement la perception des investigations menées depuis la prise du pouvoir par les militaires le 30 août 2023.
Des allégations de torture qui font froid dans le dos
Les accusations les plus graves portent sur le traitement infligé à Sylvia Bongo Ondimba, épouse de l’ancien président, et à son fils Noureddin Bongo Valentin. Le PDG évoque des « actes de torture d’une brutalité ignoble » visant à leur « extorquer des aveux et la signature de documents de cession de leurs biens familiaux ». Ces allégations, impossibles à vérifier de façon indépendante dans l’immédiat, constituent néanmoins une accusation d’une gravité exceptionnelle contre un régime qui s’était présenté comme libérateur.
Pour le secrétaire général du PDG traditionnel, Ali Akbar Onanga Y’Obegue, ces révélations dévoilent « un système mafieux méthodiquement organisé » où certains militaires du CTRI auraient « usurpé les institutions pour se livrer à une prédation effrénée des biens publics et privés ». Une accusation qui renverse complètement le narratif officiel du changement de régime.
Un appel à la justice internationale
Face à ces allégations, le PDG traditionnel ne se contente pas de dénoncer. Le parti annonce son intention d’engager « toutes les procédures judiciaires nécessaires », tant au Gabon que devant les juridictions internationales, notamment la Cour africaine des droits de l’homme et la Cour pénale internationale.
Les demandes du PDG sont précises et ambitieuses : constitution d’une commission d’enquête internationale sous l’égide de l’Union Africaine et des Nations Unies, libération immédiate de tous les détenus, annulation des poursuites judiciaires, et restitution intégrale des biens saisis. Le parti exige également la transparence totale sur les montants et biens confisqués, accusant les autorités de « détournement aggravé et de recel collectif ».
Dans un geste révélateur de la complexité de la situation, le PDG demande explicitement la protection de la juge Leila Ayombo Moussa, qu’il présente comme « une victime collatérale d’un système de pression et de menaces ». Cette position nuancée suggère que même au sein de l’appareil judiciaire, certains magistrats pourraient être contraints d’agir contre leur conscience professionnelle.
Le communiqué révèle également qu’Ali Bongo Ondimba a été entendu par les juges d’instruction du pôle Crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris, « en qualité de partie civile et de victime ». Cette procédure française ajoute une dimension internationale à l’affaire et pourrait compliquer les relations diplomatiques entre le Gabon et la France.
Un régime sous pression
Ces révélations interviennent dans un contexte où le CTRI fait face à une pression croissante, tant sur le plan intérieur qu’international, pour respecter ses engagements de transition démocratique. Si les allégations du PDG devaient être confirmées, elles constitueraient un coup sévère à la légitimité d’un régime qui s’était présenté comme un rempart contre la corruption.
L’appel du PDG au peuple gabonais à « ne pas se laisser duper ni intimider » et à « refuser la peur » résonne particulièrement dans un pays où la liberté d’expression reste fragile. Le parti mise désormais sur la « conscience de la communauté internationale » et la « vigilance des médias » pour faire avancer sa cause.
Ces révélations, quelle que soit leur véracité, marquent un tournant dans l’opposition au régime de transition. Elles transforment un conflit politique en bataille judiciaire internationale, avec des implications qui dépassent largement les frontières du Gabon. La suite des événements dépendra largement de la capacité du PDG à faire entendre sa voix sur la scène internationale et de la réaction des autorités de transition face à ces accusations d’une gravité exceptionnelle.
