L’affaire a été révélée par la version électronique du magazine « Managers Afrique. On parle de plusieurs milliards de francs perdus à la BGFIBank.Brice Laccruche Alihanga, Alime Amadou et Justin Ndoundangoye, respectivement PCA, directeur général et directeur financier à l’époque des faits, rembourseront-ils un jour les trois milliards détournés à SOCO BTP, cette société vache-à-lait que Hestia, filiale de la BGFIBank a rachetée en 2011 à son fondateur, le Yousgoslave Radunovic Mombo ? Rien n’est moins sûr dans un pays où la promotion des aigrefins est érigée en règle cardinale.
L’affaire remonte à 2012-2013 selon le magazine. Et a déjà valu, en 2013, la garde-à-vue à Brice Laccruche Alihanga, directeur du cabinet du président gabonais et à son homme-lige Justin Ndoundangoye, actuel ministre gabonais des Transports, ainsi qu’au sieur Alime Amadou, à l’époque directeur général de SOCO BTP. Cette société rachetée le 31 décembre 2011, par Hestia, filiale de BGFIBank, était gérée comme une épicerie. C’est du moins la leçon qui se dégage des audits effectués en 2013 par les cabinets Pricewaterhousecoopers et Deloitte. Confronté à la vérité comptable, le DG de l’époque Alime Amadou, est rapidement passé aux aveux. Il a ainsi accablé le directeur du cabinet du Président gabonais, ainsi que son homme-lige Justin Ndoundangoye. Le sieur Alime Amadou a fermement porté l’accusation devant l’officier de police judiciaire de la section des affaires économiques et financières de Libreville, le lieutenant-colonel Alain Djibril Iba-Ba, au cours de l’audition tenue à la suite d’une plainte déposée par la direction de BGFIbank contre les trois suspects identifiés dans l’audit des cabinets Pricewaterhousecoopers et Deloitte. Dixit Alime Amadou : « J’ai effectivement remis (…) les montants de 200 millions, 400 millions et 396 millions FCFA à monsieur Brice Laccruche Alihanga à son domicile du lycée d’Etat à Libreville ». Brice Laccruche Alihanga ou Brice Laurent Fargeon (sur son passeport français) était à l’époque le président du conseil d’administration de ladite société. En retour, l’accusateur reconnaît avoir lui-même perçu 60 millions FCFA en espèces, lors des deux dernières transactions. S’il a toutefois admis son incapacité à prouver la remise de ces sommes d’argent, le sieur Alime Amadou a juré sa bonne foi à propos de ces faits survenus en 2012-2013. C’est-à-dire que le PCA de l’époque, Brice Laccruche Alihanga- celui dont l’ascension express au cabinet d’Ali Bongo a été sponsorisée par la Première Dame Sylvia Valentin- aurait ordonné oralement les décaissements à lui Alime Amadou, DG de SOCO BTP. Qui lui-même a, à chaque fois, instruit le directeur administratif et financier de l’époque, M. Justin Ndoundangoye, l’actuel ministre des Transports gabonais. L’accusateur Alime Amadou s’est montré plus explicite sur le mode opératoire du gangstérisme financier qu’aurait orchestré Brice Laccruche Alihanga : à chaque fois, les chèques étaient complaisamment émis par Justin Ndoundangoye au nom de Alime Amadou, le DG, qui les a signé avant de les remettre au coursier-chauffeur de la société, le sieur Ramon Minko, pour encaissement à la BGFI. Et à chaque fois que ledit coursier a rapporté les fonds au DG, celui-ci s’est chargé de les remettre personnellement à Brice Laccruche Alihanga à son domicile, après l’avoir averti au téléphone. La sortie des fonds est ensuite justifiée par de fausses factures émises par une société de prestations de services, la BKM Services ; le stratagème de production de justificatifs ayant été laissé « aux bons soins » de Justin Ndoundangoye. Des compromissions qui ont valu à ce dernier d’être mis à la porte de SOCO BTP au mois d’avril 2013, avant qu’il ne reprenne service à la BGFI.
Docteur Laccruche et monsieur Fargeon
Placé en garde-à-vue, Brice Laccruche Alihanga a fait le dos rond puis manié l’ironie, devant l’officier de police judiciaire, pour réfuter les accusations de son pourfendeur Alime Amadou: « Je pense que monsieur Alime Amadou se cherche une porte de sortie en m’accusant ». L’accusé n’a pourtant déposé aucune plainte pour dénonciation calomnieuse ou tenté de faire condamner Alime Amadou pour avoir écorné son image. Brice Laccruche Alihanga est ainsi loin d’avoir tourné dos aux polémiques et à la controverse. D’ailleurs, les PV d’audition enregistrés en 2013 par l’officier de police judiciaire Alain Djibril Ibra-Ba, révèlent sa grande proximité avec Justin Ndoundangoye. Les deux étaient anciens cadres de la BGFI, le deuxième ayant ensuite bénéficié de l’appui du premier pour intégrer la direction de SOCO BTP. Une autre transaction de 200 millions FCFA se serait ainsi effectuée directement entre les deux hommes, c’est-à-dire entre le PCA et son directeur financier. Justin Ndoundangoye aurait émis le chèque, qu’il a signé et co-signé à la place du directeur du bâtiment de SOCO BTP (un certain Claude Kasper), avant d’envoyer le coursier Minko l’encaisser à la BGFI. Les fonds auraient été ensuite mis à la disposition de Brice Laccruche Alihanga.
Cette affaire SOCO BTP entache évidemment l’honorabilité du directeur du cabinet du Président gabonais. Côté pile, Brice Laccruche Alihanga donne l’image d’un homme de pouvoir qui tisse patiemment sa toile avec son association l’AJEV, dont les membres trustent les postes stratégiques de l’appareil d’Etat. Mais son côté face révèle un gestionnaire souvent en délicatesse avec l’argent, soupçonné de nombreuses malversations financières. A en croire nos sources, l’affaire SOCO BTP n’est que la partie visible d’un iceberg de détournements qui seraient imputés au directeur du cabinet présidentiel. Et sur lesquels nous reviendrons certainement.
Source : http://managers-magazine.com/?p=902