Depuis l’arrivée au pouvoir du général Oligui Nguema, les conditions de travail des médias privés au Gabon se sont considérablement détériorées, plongeant la liberté de la presse dans une zone d’incertitude alarmante.
Alors que le pays traverse une période de transition politique, les autorités semblent adopter une posture de plus en plus restrictive à l’égard des médias indépendants, écartant systématiquement ces derniers des grands événements officiels.
Les récents incidents illustrent parfaitement cette dérive inquiétante. Les journalistes de la presse privée se voient refuser l’accréditation pour couvrir des événements d’importance nationale, tels que la tournée républicaine du chef de l’État et les festivités commémorant l’accession du Gabon à l’indépendance. Ce qui pourrait passer pour des exceptions isolées semble devenir une norme, fragilisant ainsi le rôle des médias comme contre-pouvoir et garants de la transparence démocratique.
Une illustration claire de cette marginalisation s’est produite lors du dialogue national organisé au stade d’Angondjé. Cet événement, censé être un moment de grande importance pour le pays, a été une mauvaise expérience pour la presse privée. Les journalistes indépendants ont été relégués au second plan, se heurtant à des difficultés d’accès et à un traitement inégal comparé aux médias publics. Cette situation a non seulement limité la couverture médiatique du dialogue, mais a également souligné le déséquilibre croissant dans le traitement des médias au Gabon.
Face à ces refus, les journalistes indépendants se retrouvent parfois contraints de recourir à des sources d’information non conventionnelles, notamment en suivant les pages Facebook des ministères et autres organismes publics. Cette pratique, devenue de plus en plus courante, souligne le manque d’accès direct aux informations cruciales, privant les journalistes de la possibilité de vérifier et de recouper les faits avec rigueur. Cela non seulement limite leur capacité à informer de manière complète et objective, mais expose également les citoyens à une information fragmentaire et parfois biaisée.
Et pourtant, partout où le président de la transition est passé, il y a eu une couverture dans les organes de presse privés, bien qu’ils n’aient pas été présents sur place. Ce paradoxe met en lumière les difficultés croissantes auxquelles sont confrontés les journalistes indépendants, qui doivent redoubler d’efforts pour offrir une couverture complète et fiable des événements malgré l’exclusion systématique.
Il est également important de noter que les audiences des médias privés dépassent souvent celles des médias d’État, une réalité qui pourrait expliquer en partie l’hostilité des autorités à leur égard. La popularité croissante des médias indépendants reflète la soif du public gabonais pour une information diversifiée et non alignée sur la ligne officielle, et souligne l’importance cruciale de ces organes de presse dans le paysage médiatique national.
La présidence de la République, ainsi que le ministère de la Communication, adoptent une attitude de silence face à ces refus répétés, laissant planer une ombre sur les motivations réelles de cette exclusion. Alors que les médias publics et proches du pouvoir bénéficient d’un accès privilégié aux informations et événements officiels, les organes de presse indépendants sont laissés en marge, se retrouvant ainsi dans l’impossibilité de remplir leur mission d’informer librement les citoyens.
Cette situation soulève des questions préoccupantes quant à l’avenir de la liberté de la presse au Gabon, en particulier à l’approche des échéances politiques cruciales comme le référendum annoncé et la future élection présidentielle. Si les médias privés continuent d’être tenus à l’écart, comment les Gabonais pourront-ils avoir accès à une couverture diversifiée et équilibrée des débats politiques à venir ?
Le manque de transparence et d’accès à l’information pour les médias privés ne menace pas seulement le pluralisme médiatique, mais risque également de saper la confiance du public dans les institutions. Dans un contexte où le Gabon aspire à renforcer sa démocratie, la marginalisation des médias indépendants pourrait non seulement affaiblir le débat public, mais aussi exacerber les tensions politiques.
Face à cette situation, les professionnels des médias appellent à une révision urgente de la politique d’accréditation et à la levée des restrictions qui pèsent sur la presse privée. L’accès à l’information est un droit fondamental, et il est impératif que tous les médias, sans distinction, puissent exercer leur rôle de manière libre et équitable. Le gouvernement du général Oligui Nguema doit saisir l’opportunité de démontrer son engagement en faveur de la démocratie en garantissant un accès équitable à l’information pour tous les médias, afin que la voix de chaque Gabonais puisse être entendue.
L’avenir du Gabon dépendra en grande partie de la capacité des institutions à respecter et à promouvoir les principes de transparence et de liberté d’expression. Dans ce cadre, la place accordée aux médias privés dans la couverture des événements officiels sera un indicateur clé du respect de ces principes fondamentaux.