Le projet de Constitution remis récemment au Président de la Transition politique du Gabon, le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, suscite une vive controverse. Il est qualifié d’« hérésie intellectuelle et politique » par des voix critiques, mettant en lumière des contradictions internes et des régressions démocratiques majeures. Cette nouvelle proposition semble éloignée des idéaux démocratiques, notamment ceux consacrés par la Constitution de 1991, souvent saluée comme la plus équilibrée que le Gabon ait connue. Cette analyse met en exergue les contradictions flagrantes et les incongruités qui risquent de nuire à la crédibilité du texte, tant sur le plan national qu’international.
Des contradictions récurrentes et préoccupantes
L’une des principales critiques adressées au texte est son manque de cohérence interne.
Plusieurs articles se contredisent ouvertement, ce qui suggère une absence de rigueur dans la rédaction. Par exemple, les alinéas 2 et 3 du préambule, qui prônent l’unité nationale et la séparation des pouvoirs, entrent en contradiction avec l’article 53. Ce dernier établit des critères d’éligibilité à la présidentielle qui excluent certains citoyens, notamment les membres de la diaspora et les personnes handicapées. Une Constitution qui se veut inclusive et respectueuse de l’État de droit ne peut en même temps discriminer une partie de la population.
Cette incohérence est également visible dans l’article 28, qui garantit la participation des Gabonais de l’étranger à la vie nationale, alors que d’autres dispositions (article 53 alinéa 5) les privent du droit de se présenter à la présidentielle. Il est difficile de comprendre comment une nation peut prétendre valoriser la diaspora tout en lui refusant un rôle clé dans le processus électoral. Cette contradiction affaiblit non seulement la cohérence du texte, mais aussi la crédibilité des réformes proposées.
Incongruités dans le régime politique proposé
Une autre critique fondamentale porte sur la nature même du régime politique proposé. Le texte ne semble ni parlementaire ni présidentiel, mais propose un modèle hybride qui n’existe dans aucun autre pays. Ce régime politique sans nom crée une confusion et compromet la séparation des pouvoirs, un principe fondamental des démocraties modernes. Par exemple, l’article 58 confère au Président le pouvoir de nommer et de révoquer le Vice-Président de la République ainsi que le Vice-Président du Gouvernement, une concentration excessive de pouvoir qui pourrait facilement dégénérer en régime autocratique.
Ce modèle institutionnel incohérent est susceptible de donner au Président un contrôle démesuré sur le gouvernement, transformant la Présidence en une sorte de monarchie absolue. Dans cette perspective, loin de renforcer la démocratie, ce projet de Constitution pourrait faciliter la personnalisation du pouvoir et éroder les fondements mêmes de l’État de droit.
Articles problématiques et régressions démocratiques
Le projet contient également plusieurs articles jugés régressifs sur le plan démocratique. L’article 53 est particulièrement critiqué pour ses critères d’éligibilité restrictifs à la présidence, notamment l’exigence que les candidats soient nés de parents gabonais eux-mêmes nés gabonais. Ce critère, en plus d’être discriminatoire, remet en question le principe du droit du sol, qui est une base essentielle des démocraties modernes. Il pourrait également disqualifier de nombreux candidats potentiels nés avant l’indépendance du Gabon, en 1960, ou dont les parents sont nés avant cette date.
De même, l’exigence d’un âge maximal pour se présenter à la présidence (70 ans) est perçue comme une atteinte aux droits des citoyens. Des exemples internationaux montrent que l’âge ne devrait pas être une barrière à l’éligibilité, tant que le candidat est en mesure de gouverner. Le cas de l’ancien président américain Franklin D. Roosevelt, qui a gouverné malgré son handicap, est souvent cité pour illustrer l’absurdité de telles restrictions.
une occasion manquée pour le Gabon
Ce projet de Constitution, loin de représenter une avancée démocratique, semble plutôt marquer un recul important pour le Gabon. Les contradictions internes, les incohérences institutionnelles et les articles régressifs en matière de droits politiques risquent de mettre le pays dans une posture délicate, tant au niveau national qu’international. Le Président de la Transition, ainsi que le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), se trouvent face à un choix crucial : adopter ce texte controversé ou bien réviser en profondeur les propositions pour aligner la nouvelle Constitution avec les principes démocratiques fondamentaux et garantir un avenir stable et inclusif pour tous les Gabonais.