L’interview récente sur la question de l’insertion professionnelle donnée à Gabon actu par Adrien Nguema Mba, Ministre du Travail, a provoqué une vive controverse. Au cours de cette interview, le ministre qui avait confirmé avoir 1200 dossiers de diplômés en anthropologie s’est interrogé sur la pertinence de cette discipline pour les entreprises privées et administrations locales qui, souvent les rejettent :” Qu’est que vous voulez qu’on fasse avec ceux qui ont fait anthropologie dans ce pays?”, s’est-il interrogé. Cette déclaration a provoqué des réactions mitigées, certains médias la qualifiant de « sortie ratée » et d’autres allant jusqu’à demander sa démission. Cependant, il serait important de comprendre les raisons de cette déclaration.
Un Constat Alarmant
Au-delà de la polémique, cette assertion soulève une question cruciale : l’inadéquation entre les formations universitaires et les besoins des entreprises. Avec un taux de chômage avoisinant les 40% selon la Banque mondiale, le Gabon fait face à un défi majeur. Adrien Nguema Mba qui a pour mission de trouver du travail aux jeunes, en tant que ministre du Travail et de la Lutte contre le Chômage, lors des signatures d’autorisations d’emploi, a constaté que les entreprises ont des besoins spécifiques qui ne correspondent pas toujours aux compétences des diplômés disponibles.
Ce constat d’inadéquation entre les formations tertiaires, issues de l’université, avec la demande des entreprises actuelles, a conduit le ministre à formuler la nécessité d’une reconversion de ces étudiants dans des filières les plus demandées sur le marché du travail. « Les formations universitaires que nous avons nécessitent, si l’on veut être inséré dans le monde actif, d’accepter une reconversion », a-t-il déclaré.
Une assertion traductrice de l’imaginaire collectif
La polémique entourant les propos du ministre Adrien Nguema Mba, a le mérite de les perceptions de l’anthropologie par les chefs d’entreprises et les administrations gabonaises. Beaucoup pensent encore que les débouchés de cette discipline se limitent à la recherche ou aux structures liées au patrimoine traditionnel.
Dans l’imaginaire collectif, l’anthropologue est souvent vu comme une personne qui se rend dans des sociétés exotiques pour comprendre leur fonctionnement. Cette perception explique en partie pourquoi les anthropologues sont souvent considérés comme inutiles dans les entreprises et les administrations. Pourtant cet aspect n’est que la partie émergée de l’iceberg.
Les Multiples Débouchés de l’Anthropologie
Cette vision des responsables des ressources humaines est réductrice. La formation anthropologique comprend plusieurs métiers présents au sein des entreprises et des administrations, dont les dirigeants ignorent souvent la provenance. Les anthropologues peuvent exercer divers métiers tels que consultant en diversité et inclusion, spécialiste en études de marché, analyste de données culturelles, responsable de la gestion du changement, conseiller en communication interculturelle, responsable de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), analyste de la satisfaction client, consultant en développement organisationnel, spécialiste en gestion des ressources humaines, responsable de la conformité éthique, analyste de la culture d’entreprise, spécialiste en innovation sociale, consultant en développement durable et responsable de la gestion des conflits. Ces rôles montrent comment l’anthropologie peut apporter une perspective unique et précieuse aux entreprises et aux administrations.
Vers une Reconversion ou une Valorisation des Compétences
Face à un taux de chômage élevé, certains estiment nécessaire d’inverser les parts de l’enseignement général et technique dans le système éducatif national pour favoriser le développement du pays. Les anthropologues, et plus largement les diplômés des filières universitaires, ont désormais trois options pour intégrer le monde professionnel. Premièrement, ils doivent vendre leurs compétences en exposant les débouchés professionnels existants dans les entreprises locales. Deuxièmement, ils peuvent se lancer dans l’entrepreneuriat en créant leurs cabinets de conseil, leur permettant de conserver leur mobilité et liberté d’action. Enfin, ils peuvent opter pour une reconversion professionnelle dans les filières les plus prisées du marché du travail.
Un Appel à la Collaboration
Le ministre du Travail, par ses propos récents, a donc appelé à un changement de perspective chez les chefs d’entreprises et les universitaires en matière d’embauche. Il est crucial de reconnaître que les compétences et les talents nécessaires pour réussir dans le monde professionnel d’aujourd’hui vont bien au-delà des diplômes et des expériences académiques classiques. Les chefs d’entreprises doivent adopter une approche plus inclusive et holistique, en valorisant les compétences transversales telles que la créativité, la résilience, la capacité à travailler en équipe et la pensée critique.
De plus, les universitaires doivent adapter leurs programmes pour mieux préparer les étudiants aux réalités du marché du travail. Cela inclut l’intégration de stages, de projets collaboratifs et d’expériences pratiques qui permettent aux étudiants de développer des compétences concrètes et de se familiariser avec les exigences du monde professionnel. En collaborant étroitement avec les entreprises, les universités peuvent mieux aligner leurs cursus avec les besoins actuels et futurs du marché du travail, garantissant ainsi que les diplômés sont prêts à contribuer efficacement dès leur entrée dans la vie active.
En soulignant l’inadéquation entre les formations universitaires et les besoins des entreprises, le ministre Adrien Nguema Mba a mis en lumière un problème systémique qui touche de nombreux secteurs académiques. Cette polémique offre une opportunité précieuse de repenser les critères de recrutement et de valoriser les compétences transversales développées par les anthropologues. Les chefs d’entreprises et les universitaires doivent collaborer pour créer un écosystème de recrutement plus flexible et inclusif, où les talents et les compétences sont reconnus au-delà des diplômes traditionnels. En adaptant les programmes universitaires aux réalités du marché du travail et en valorisant les compétences humaines, nous pouvons non seulement enrichir les équipes de travail, mais aussi stimuler l’innovation et la croissance économique. Il est temps de voir l’anthropologie et les sciences humaines comme des atouts précieux pour le monde professionnel, capables de répondre aux défis contemporains avec une perspective unique et enrichissante.