Le Barreau National du Gabon dénonce une paralysie judiciaire inacceptable : « Plus jamais ça ! »

 Le Barreau National du Gabon, représenté par son bâtonnier Raymond Obame Sima, a rompu le silence ce mardi 4 mars 2025 pour dénoncer avec véhémence la grève prolongée des magistrats et greffiers, qualifiant cette situation de « prise en otage des instances judiciaires ». Visage fermé et colère contenue, le bâtonnier a exprimé la désapprobation unanime de ses confrères face à une paralysie judiciaire qui dure depuis bientôt deux mois, plongeant le système judiciaire gabonais dans un chaos sans précédent.

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Une paralysie généralisée

 

Depuis le 9 janvier 2025, le Syndicat National des Greffiers (SYNAGREF) a déclenché une grève nationale pour faire valoir ses revendications auprès du gouvernement de transition. Quelques jours plus tard, le 14 janvier, le Syndicat National des Magistrats (SYNAMAG) a emboîté le pas, reprenant un mouvement de grève initié en décembre 2022. Les motifs ? Des conditions de vie et de travail jugées insatisfaisantes, ainsi qu’une lenteur dans la mise en œuvre de la nouvelle loi portant statut des magistrats, pourtant déjà adoptée.

 

« Mesdames et Messieurs, depuis bientôt deux mois, la parole judiciaire est totalement paralysée sur tout le territoire national », a déclaré Raymond Obame Sima, rappelant que cette grève a des conséquences dramatiques pour les justiciables, les avocats, et plus largement, pour l’ensemble de la société gabonaise.

 

Un service minimum illégal et excessif

 

Le bâtonnier n’a pas mâché ses mots pour dénoncer les services minimums mis en place par les syndicats, qu’il qualifie d’« illégaux, excessifs et inacceptables ». Selon lui, ces mesures portent une atteinte grave aux droits fondamentaux des citoyens. « Le SYNAGREF limite son service au renseignement des dépôts de requêtes uniquement le lundi, avec des retours de décision le vendredi. Quatre audiences pénales par mois à Libreville, deux à l’intérieur du pays… C’est une farce ! », s’est-il indigné.

 

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Pire encore, le SYNAMAG a suspendu toutes les audiences publiques et en chambre de conseil, y compris les cas d’urgence. « Les requêtes gracieuses ne sont plus reçues, les casiers judiciaires ne sont plus délivrés, et les détentions préventives sont prolongées sans justification. C’est une violation flagrante des droits de l’homme », a-t-il martelé.

 

Des conséquences désastreuses

 

Cette paralysie judiciaire a des répercussions dramatiques sur plusieurs fronts. D’abord, pour les justiciables, dont les droits fondamentaux sont bafoués. Ensuite, pour les avocats, dont les activités sont réduites à néant. « Le Barreau National du Gabon compte 170 avocats répartis dans 117 cabinets. Plus de 2 500 personnes dépendent de ces structures. Ces professionnels se retrouvent sans revenus, mais doivent continuer à assumer leurs charges professionnelles et familiales », a expliqué le bâtonnier.

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En outre, cette situation aggrave les conditions de détention dans les prisons gabonaises, déjà surpeuplées. « La prolongation automatique des détentions préventives, sans vérification de l’évolution des dossiers, est inacceptable. Cela met en danger la vie et la sécurité des détenus, ainsi que celle des agents pénitentiaires », a-t-il ajouté.

 

Un appel à la raison

 

Face à cette crise, le Barreau National du Gabon a tenté de jouer un rôle de médiateur. « Nous avons invité le bureau directeur du SYNAMAG à une séance de travail pour trouver une solution apaisée. Malheureusement, cette correspondance est restée sans suite », a regretté Raymond Obame Sima.

 

Le bâtonnier a également rappelé que le droit de grève, bien que constitutionnel, est encadré par la loi. « La loi du 4 juillet 2005 portant statut général de la fonction publique stipule clairement qu’un service minimum doit être assuré en cas de grève. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, et cela ne peut plus durer », a-t-il insisté.

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Une saisine du Conseil d’État en vue

 

En dernier recours, le Barreau National du Gabon a annoncé son intention de saisir le Conseil d’État pour qu’il se prononce sur la légalité des services minimums mis en place par les syndicats. « Nous demandons également au gouvernement une indemnisation pour le préjudice subi par nos membres et par l’ensemble des justiciables », a déclaré le bâtonnier.

 

Raymond Obame Sima a lancé un appel solennel à tous les acteurs du système judiciaire : « Magistrats, avocats, huissiers… Nous avons le devoir de veiller les uns sur les autres. Le service public de la justice ne peut être pris en otage. Plus jamais ça ! »

 

Une crise qui rappelle des souvenirs douloureux

 

Cette situation n’est malheureusement pas nouvelle. En 2017, le SYNAMAG avait décrété une grève de 4 mois et 20 jours. En 2018, une autre grève de 5 mois et 20 jours avait paralysé le système judiciaire. Plus récemment, en 2022, le syndicat s’était octroyé une « année judiciaire blanche », plongeant le pays dans une crise sans précédent.

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Aujourd’hui, le Barreau National du Gabon espère que cette fois-ci, les choses seront différentes. « Nous avons la ferme conviction que le bon sens prévaudra. Mais si rien ne change, nous continuerons à nous battre pour défendre les droits de nos concitoyens et la dignité de notre profession », a conclu le bâtonnier,sous les applaudissements de ses confrères. Mêlant la parole à l’action, Raymond Ndong Sima et ses confrères se sont dirigés en cortège vers l’Assemblée nationale, sous les applaudissements de ses collègues, afin de rencontrer le président de cette instance parlementaire et soumettre leur motion.

Alors que le Gabon traverse une période de transition politique, cette crise judiciaire rappelle que la justice reste un pilier essentiel de toute démocratie. Et comme l’a si bien dit Raymond Obame Sima : « La justice ne peut être une option. Elle est un droit. »