Dans les salons feutrés du ministère de l’Accès Universel à l’Eau et à l’Énergie, une poignée de main scelle peut-être l’avenir énergétique du Gabon. Philippe Tonangoye, le ministre aux multiples casquettes, vient de recevoir Fabrice Mauries, ambassadeur de France, pour une audience qui pourrait bien redessiner la carte des investissements français en Afrique centrale.

L’eau, cette ressource que le Gabon possède en abondance mais distribue avec parcimonie, devient soudain l’épicentre d’une diplomatie renouvelée. Alors que le pays traverse une crise énergétique sur l’ensemble du territoire, Paris tend une main stratégique à Libreville, consciente que les défis gabonais d’aujourd’hui sont les opportunités françaises de demain.
Tonangoye, cet ingénieur électromécanicien passé de la formation professionnelle au portefeuille énergétique en quelques mois, incarne parfaitement cette nouvelle génération de technocrates que privilégie le président Oligui Nguema. Face à lui, Mauries, nommé ambassadeur à compter du 15 août 2024, déploie l’arsenal français des technologies vertes et des financements innovants.

L’accord informel qui se dessine ne relève pas du hasard. La France, qui observe avec attention la montée en puissance de nouveaux partenaires africains, comprend qu’elle doit réinventer sa présence au Gabon. Les « investissements dans les infrastructures hydrauliques et énergétiques » évoqués lors de cette rencontre masquent en réalité une stratégie plus large : transformer le Gabon en vitrine technologique française en Afrique centrale.
Le timing s’avère particulièrement judicieux. Alors que le ministre a inspecté le chantier de la future centrale thermique à gaz IPP Owendo, portant un projet de plus de 100 milliards de FCFA, l’expertise française en matière d’énergies renouvelables pourrait constituer le complément idéal à cette modernisation énergétique. Les zones rurales gabonaises, encore largement déconnectées du réseau électrique national, représentent un laboratoire grandeur nature pour les innovations françaises.

L’accent mis sur la « formation et le renforcement des compétences locales » révèle une approche diplomatique affinée. Paris sait désormais que les partenariats durables se construisent sur l’autonomisation des cadres locaux plutôt que sur la simple exportation de savoir-faire. Cette leçon, apprise parfois douloureusement ailleurs sur le continent, guide manifestement la nouvelle coopération franco-gabonaise.
Pour Tonangoye, cette audience s’inscrit dans la continuité de sa politique d’ouverture. Après avoir renforcé les liens avec la Banque africaine de développement sur le projet PIAEPAL, il diversifie ses partenariats internationaux. Cette stratégie multipolaire, encouragée par le président Oligui Nguema, permet au Gabon de négocier en position de force et d’éviter la dépendance exclusive à un seul bailleur.
Les « projets structurants à fort impact social » annoncés pourraient bien transformer le visage du Gabon rural. Dans un pays où l’accès à l’eau potable reste un défi majeur malgré l’abondance des ressources hydriques, les technologies françaises de traitement et de distribution pourraient révolutionner le quotidien de millions de Gabonais.
Cette rencontre illustre parfaitement la nouvelle donne géopolitique africaine. La France, confrontée à la concurrence croissante d’autres puissances, mise sur l’innovation et le développement durable pour maintenir son influence. Le Gabon, en pleine transition politique et économique, profite de cette rivalité pour attirer les meilleurs partenaires techniques et financiers.
Au-delà des déclarations d’intention, cette coopération renforcée dans l’eau et l’énergie pourrait bien devenir le symbole d’une relation franco-gabonaise apaisée et mutuellement bénéfique. Pour Libreville, c’est l’assurance d’un accompagnement technique de qualité. Pour Paris, c’est la promesse d’un marché énergétique naissant et d’un partenaire stratégique dans une région en pleine mutation.
L’eau et l’énergie ne sont finalement que les vecteurs d’une ambition plus large : faire du Gabon un hub technologique et énergétique en Afrique centrale, avec la France comme partenaire privilégié de cette transformation.
