Grève à COMILOG : Les syndicats en quête de transparence ou de pouvoir ?

La société COMILOG, pilier de l’économie gabonaise, est actuellement secouée par une grève d’ampleur, menée par les secrétaires généraux des syndicats. La cible affichée de cette contestation est Leo Paul Batolo, actuel Administrateur Directeur Général de l’entreprise, dont le départ est réclamé avec insistance.

Mais au-delà des revendications officielles, des interrogations s’élèvent quant aux véritables motivations des syndicalistes, laissant planer le doute sur une crise d’une nature plus complexe.

Une crise de leadership ou de financements ?

La contestation autour de la gestion de Leo Paul Batolo pourrait n’être qu’un prétexte pour masquer des frustrations d’un autre ordre. En effet, selon plusieurs sources internes, la véritable cause de la grogne syndicale serait liée à la suspension, en 2022, de la subvention destinée aux syndicats. Ces fonds, qui atteignent un montant annuel de 30 millions de francs CFA, étaient censés financer les activités syndicales, telles que les séminaires ou les rencontres avec les autorités. Cependant, il semblerait que des abus notables aient été constatés dans la gestion de ces fonds, notamment des dépenses injustifiées pour des locations de véhicules et des frais de restauration sans lien direct avec les missions syndicales.

La Charte du Dialogue Social de 2015, adoptée par COMILOG, encadrait ces subventions afin d’assurer leur utilisation dans l’intérêt des travailleurs. Toutefois, la suspension de ces financements a révélé une gestion opaque et a renforcé les tensions entre la direction et les syndicats, qui semblent plus préoccupés par leurs propres avantages que par la défense des droits des employés.

Un paysage syndical morcelé

COMILOG compte actuellement pas moins de six syndicats, un nombre surprenant pour une entreprise de taille moyenne. Pourtant, aucun de ces syndicats ne parvient à rassembler une large majorité des employés, laissant planer un doute sur leur légitimité. Sur plus de 2 000 travailleurs, la majorité préfère rester non syndiquée, ce qui reflète un désintérêt pour ces organisations ou un manque de confiance en leur capacité à défendre efficacement les droits des travailleurs.

Les assemblées générales peinent elles-mêmes à mobiliser. En moyenne, à peine 200 personnes y participent, soulignant une faible représentativité des syndicats au sein de la base des employés. Certains observateurs y voient un indice de la multiplication des syndicats pour des raisons de pouvoir personnel, chaque groupe cherchant à contrôler des ressources et des avantages plutôt qu’à s’unir pour la défense des travailleurs.

Leo Paul Batolo : un manager sous pression

Au centre de cette tempête se trouve Leo Paul Batolo, Administrateur Directeur Général de COMILOG. Reconnu pour sa rigueur et son impartialité, Batolo a mis en place une gestion stricte et centrée sur les résultats, refusant de céder à toute forme de pression, qu’elle soit ethnique ou personnelle. Son management, bien que apprécié par certains pour sa transparence, semble irriter les dirigeants syndicaux, qui le considèrent trop inflexible.

La volonté des secrétaires généraux de voir Batolo écarté pourrait ainsi relever d’une stratégie pour placer à la tête de la société un administrateur plus enclin à accepter leurs revendications. L’objectif ne serait alors pas tant de défendre les droits des travailleurs que de restaurer un accès aux subventions gelées, et ce, sans contrôle rigoureux.

Une crise révélatrice

La grève à COMILOG n’est donc pas seulement le symptôme d’une crise sociale entre la direction et les syndicats. Elle met également en lumière des luttes de pouvoir et des pratiques qui éloignent certains leaders syndicaux de leurs missions premières. Les travailleurs, quant à eux, se trouvent au cœur de ce jeu d’influence, alors que leurs véritables préoccupations, comme les conditions de travail et la rémunération, risquent de passer au second plan.

Loin des discours revendicatifs, cette grève pose la question de la crédibilité des syndicats dans leur rôle de défense des intérêts des employés. La transparence dans la gestion des fonds syndicaux et la représentativité des organisations doivent être au centre des débats, si l’on souhaite éviter que les syndicats ne deviennent des outils de pouvoir personnel au détriment des travailleurs qu’ils sont censés protéger.

La question à laquelle nous répondrons dans notre prochaine édition, est celle de savoir quels sont les cadres dirigeants qui soutiennent cette mascarade ?

A suivre…