Robert Bourgi : « Laurent Gbagbo était le véritable vainqueur de l’élection de 2010 en Côte d’Ivoire »

Dans un entretien explosif accordé à France 24 ce jeudi, Robert Bourgi, avocat français et ancien conseiller officieux de l’Élysée sur les affaires africaines, a jeté un pavé dans la mare en affirmant que Laurent Gbagbo, et non Alassane Ouattara, était le véritable gagnant de l’élection présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire. Se disant prêt à « laver [sa] conscience », Bourgi a fait des révélations fracassantes sur les coulisses de cette période mouvementée, marquée par une crise postélectorale sanglante.

« Laurent Gbagbo avait bel et bien remporté les élections de 2010. C’était lui le président élu, et le Conseil constitutionnel ivoirien l’avait confirmé », a déclaré l’avocat franco-ivoirien, visiblement affecté par ses souvenirs. Selon Bourgi, qui a œuvré de près aux côtés de Nicolas Sarkozy pendant cette crise, la France a joué un rôle décisif dans le dénouement politique en Côte d’Ivoire, manœuvrant en coulisses pour écarter Gbagbo et installer Alassane Ouattara à la tête du pays. « J’ai été complice d’une trahison », a-t-il admis avec amertume.

Revenant sur cette période houleuse, Bourgi a révélé l’existence de discussions entre Paris et Abidjan visant à négocier le départ de Laurent Gbagbo. « Sarkozy m’a appelé à l’Élysée et m’a demandé de convaincre Gbagbo de quitter le pouvoir en échange d’un statut d’ancien chef d’État, de 30 millions de francs CFA, d’une voiture avec chauffeur et d’une chaire universitaire. Mais Gbagbo a catégoriquement refusé, affirmant qu’il préférait être le “Mugabe de la France” plutôt que d’accepter un tel arrangement », a-t-il confié.

Face à ce refus, la réponse de Sarkozy a été sans appel. Selon Bourgi, l’ancien président français aurait alors décidé de passer à l’offensive. « Sarkozy m’a dit qu’il allait ‘vitrifier’ Gbagbo. Quelques jours plus tard, l’armée française intervenait en Côte d’Ivoire », a relaté Bourgi, décrivant les événements qui ont conduit à l’arrestation de Gbagbo et à son transfert à La Haye, où il a été jugé par la Cour pénale internationale.

Les déclarations de Robert Bourgi viennent relancer le débat sur les responsabilités de la France et de la communauté internationale dans la crise ivoirienne de 2010-2011, qui a causé plus de 3 000 morts et des milliers de disparitions, selon un rapport des Nations Unies. Les allégations de l’avocat remettent en question la légitimité du scrutin de 2010 et pointent du doigt les interventions étrangères dans les affaires souveraines de l’État ivoirien.

Dix ans après ces événements, la Côte d’Ivoire demeure marquée par les blessures de cette crise. La révélation de Bourgi, qui se considère désormais comme un homme en quête de rédemption, jette une lumière nouvelle sur cette page sombre de l’histoire politique du pays. Si les déclarations de l’avocat n’apportent pas de preuves matérielles supplémentaires, elles alimentent les spéculations sur le rôle trouble de certains acteurs internationaux dans le changement de régime en Côte d’Ivoire.

Pour Laurent Gbagbo et ses partisans, ces révélations renforcent leur conviction que la vérité finira par éclater au grand jour. Quant à Alassane Ouattara, cette sortie médiatique pourrait ternir son image sur la scène internationale, suscitant des interrogations sur la légitimité de son accession au pouvoir. En tout état de cause, le témoignage de Robert Bourgi risque de raviver des tensions déjà palpables dans le paysage politique ivoirien, à quelques mois de la prochaine élection présidentielle.

Franck Charly Mandoukou

Directeur de la publication, Journaliste libre et indépendant. Gabon infos,Toute l'information du Gabon. Les dernières actus, la politique, l'économie, la société, la culture, la justice, les faits divers...