Auteurs : Michaël MOUKOUANGUI MOUKALA & Dr Dyana NDIADE BOUROBOU
Un patrimoine culturel sous-exploré
Si des mesures conservatoires sont désormais bien établies pour la préservation de l’environnement – qu’il s’agisse de formes de vie ou de sites naturels exceptionnels ,la conservation du patrimoine culturel lié aux pratiques agricoles traditionnelles demeure encore peu explorée.
C’est dans ce cadre que Michaël MOUKOUANGUI MOUKALA, journaliste gabonais spécialisé en environnement, a conduit une étude de terrain entre juin et décembre 2024, dans le cadre de son stage de Master II en Conservation et Valorisation des Patrimoines Naturels et Culturels du Gabon, à l’Université Omar Bongo (UOB), sous la supervision du Dr Dyana NDIADE BOUROBOU, chercheure à l’IRAF.
Une enquête au cœur du bassin agricole de la Ngounié
Grâce à l’appui technique de M. Arnaud NGODI RANGA, Directeur provincial de l’Agriculture de la Ngounié, l’enquête a mobilisé près de 100 cultivateurs, membres d’organisations paysannes situées à Mouila et Lebemba. L’objectif : documenter et comprendre les pratiques agricoles autour de la culture du manioc et les savoirs endogènes associés.
L’étude s’est articulée autour de trois axes principaux :
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Le profil des conservateurs de manioc dans la Ngounié
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La caractérisation des variétés cultivées
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Les modes de transmission des semences
Des femmes gardiennes du patrimoine agricole
L’un des résultats majeurs de cette étude est la mise en évidence du rôle central des femmes dans la transmission et la conservation du manioc :
80 % des personnes impliquées dans la gestion des semences sont des femmes.
Elles sont organisées en associations, coopératives ou en productrices individuelles, et assurent elles-mêmes la sélection, la multiplication et la conservation des variétés les plus performantes et rentables.
Une diversité impressionnante de variétés locales
L’enquête a permis d’identifier 86 variétés de manioc, souvent désignées par des noms issus des groupes socioculturels locaux : Ypunu, Isango, Nzébi, Nvungu, Tsogho, Gisir, etc.
Deux grandes catégories se distinguent :
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Les variétés traditionnelles (2/3 des cas, soit 18%) : Ditadi, Ditadi Rouge, Bilongou, Kwata, Mouzoumba, Mambikini, Jaune, etc.
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Les variétés introduites : Six mois, SONADECI, Emmanuel, Evelyne, Jaune, etc.
La transmission des semences, un héritage féminin
La gestion des semences repose sur quatre critères de sélection, classés par ordre d’importance :
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L’héritage familial (transmission transgénérationnelle)
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Les performances agronomiques
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La résistance aux maladies
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La recommandation d’un tiers
La conservation in situ se fait par la tige du plant de manioc sur pied, laissée dans la plantation de la mère pour être transmise à sa fille ou à sa bru. Ainsi, les connaissances se perpétuent de génération en génération, par les liens de parenté, de mariage ou de proximité.
Un savoir en danger de disparition
L’étude alerte également sur le vieillissement de la population des productrices, posant la question de la pérennisation des savoirs endogènes.
Pour répondre à ce risque, l’auteur propose la création d’un Jardin Botanique dédié à :
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L’exposition publique des variétés locales de manioc
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La conservation vivante de ces collections à l’échelle nationale
Il lance un appel aux autorités compétentes – Ministère de l’Agriculture, CENAREST, FAO, programme WAVE Gabon – pour soutenir ce projet structurant.
À propos de l’auteur
🖊️Michaël MOUKOUANGUI MOUKALA
Journaliste gabonais, spécialiste des questions environnementales et de la conservation du patrimoine. Fondateur du média La Lettre Verte (www.lalettreverte.info), il totalise 13 ans d’expérience dans le domaine. Il a été lauréat du prix FSC pour le journalisme durable au Gabon.

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