Tourisme : Des caravanes coûteuses pour quel retour ?

Malgré son potentiel touristique exceptionnel, plages sauvages, parcs nationaux uniques, biodiversité remarquable le Gabon peine toujours à se hisser parmi les destinations africaines attractives. Le dernier chiffre officiel en témoigne : à peine 350 000 visiteurs en 2024, loin derrière ses voisins comme le Kenya ou la Tanzanie, dont le secteur pèse lourdement dans le PIB.

Pour inverser cette tendance, le ministère du Tourisme, sous la houlette de Pascal Ogowe Siffon, a misé gros sur un projet phare : la « Caravane Touristique », présentée comme un levier de relance pour le tourisme domestique et communautaire. Objectif : valoriser les richesses naturelles et culturelles du pays, créer un engouement national autour du voyage intérieur, et booster les revenus des communautés locales.

Sur le papier, l’idée séduit. Dans la pratique, elle coûte cher et rapporte peu. À ce jour, 1,5 milliard de francs CFA ont été mobilisés pour concrétiser cette « Caravane ». Résultat ? À peine 3 748 touristes se sont laissés tenter par l’expérience. Dans le même temps, plusieurs sites touristiques « habilités » pour accueillir ces visiteurs sont déjà laissés à l’abandon, faute de plan d’entretien et de structuration durable.

En voulant relancer le tourisme gabonais, le ministre a choisi de « remettre les compteurs à zéro », écartant les stratégies précédentes  souvent perfectibles, certes, mais existantes sans capitaliser sur l’expertise acquise et sans aligner l’offre sur les standards internationaux.

Pendant ce temps, des exemples comme le Kenya, fort de ses 2 millions de touristes étrangers par an, montrent que la clé du succès reste le marketing à l’international, la qualité des infrastructures et la capacité à bâtir une marque touristique forte. Là où le Kenya investit dans la promotion mondiale et diversifie ses activités touristiques, le Gabon concentre ses maigres ressources sur un public interne, déjà peu sensibilisé à la pratique du voyage.

Des milliards pour (presque) rien ?

Le paradoxe est frappant : au lieu de consacrer une partie substantielle de cette enveloppe à renforcer l’image du Gabon à l’étranger  salons professionnels, partenariats avec des tours opérateurs, campagnes de promotion numérique, l’essentiel a servi à financer des événements ponctuels, des visites encadrées et des sites « caravanisés » qui peinent à attirer un flux constant de visiteurs.

Dans un contexte de rigueur budgétaire, ces 1,5 milliard de francs CFA apparaissent comme une dépense dont le rendement est quasi nul, et qui alourdit inutilement la charge de l’État. À cela s’ajoute l’incapacité à résoudre des problèmes structurels : billets d’avion trop chers, infrastructures routières défaillantes, absence de services touristiques de qualité et manque de formation des acteurs locaux.

La leçon est claire : le Gabon ne pourra faire décoller son secteur touristique sans assumer l’importance des marchés extérieurs. Sans promotion ambitieuse à l’international, sans l’implication réelle du secteur privé et sans plan marketing bien ciblé, aucune caravane aussi coûteuse soit-elle  ne pourra inverser la tendance.

Plus que jamais, l’heure est venue de repenser le modèle : réorienter les ressources vers la modernisation des sites, l’amélioration des services, la formation du personnel et la valorisation de la destination Gabon sur la scène mondiale. À défaut, le risque est grand de voir se succéder les caravanes… sans touristes pour les emprunter.

Franck Charly Mandoukou

Directeur de la publication, Journaliste libre et indépendant. Gabon infos,Toute l'information du Gabon. Les dernières actus, la politique, l'économie, la société, la culture, la justice, les faits divers...

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