PÉTROLE ET HYDROCARBURES : LE CHOIX DE MARCEL ABEKÉ POUR »RESTAURER LA CONFIANCE » AVEC LES OPÉRATEURS ÉCONOMIQUES

PAR Jean-Christian KOMBILA

« NOUS ne doutons pas qu’avec votre nomination à la tête du département ministériel en charge du pétrole et des hydrocarbures, l’image du ministère sera redorée » !
Ces propos émanent du directeur général des hydrocarbures, Edgard Mbina-Kombila. Prononcés à l’endroit du nouveau titulaire du portefeuille ministériel du Pétrole, au lendemain de la passation des charges entre ce dernier, Marcel Abéké, et son prédécesseur Vincent de Paul Massassa.
De fait, ils traduisent le satisfecit global des fonctionnaires et agents d’un ministère ayant longtemps souffert du management archaïsant de l’ancien ministre, débarqué à la suite du coup d’Etat militaire du 30 août 2023.
En effet, le choix de confier la gestion du ministère du Pétrole à l’ancien Administrateur-directeur général du groupe Comilog, exploitant patenté du manganèse dans la ville de Moanda (Sud-est), a fait l’effet d’une bonne nouvelle en interne et en externe. Tant la gestion de ce secteur névralgique de l’activité socio-économique par le ministre sortant, pion essentiel de la sulfureuse « Young-Team » portée par l’ex – Coordinateur général des activités présidentielles Nour Ed-dine Bongo Valentin et son directeur de cabinet, Yann – Ghislain Ngoulou, était décriée à l’unisson.
Ainsi, l’une des tâches prioritaires du nouveau ministre devrait consister à « restaurer l’image du Ministère du Pétrole » auprès des opérateurs économiques malmenés à volonté par le Ministre sortant, Vincent de Paul Massassa, pour satisfaire son appétit gargantuesque de disposer des fonds contractuels.
Une preuve :
« Dans le cadre de la gestion des fonds de concours mis à votre charge par les contrats et conventions vous liant à l’État gabonais, je vous informe que, dorénavant, tout appel de fonds devra impérativement revêtir la signature du ministre, sous peine de nullité. La présente disposition annule toute disposition antérieure contraire » avait-il écrit, le 31 décembre 2019, dans une Lettre circulaire destinée aux sociétés exerçant leurs activités dans le secteur des hydrocarbures.
Le ton « caporaliste » de cette missive en dit long sur le climat plus ou moins délétère volontiers nourri par le cabinet du ministre et sa cour d’affidés. Laquelle est élargie au secrétariat général…
A cela s’ajoute une réelle volonté d’exercer une pression permanente stressante sur les partenaires économiquesafin de les contraindre à approvisionner avant échéance les différents comptes naguère gérés par la Direction générale des hydrocarbures, mais dont la gestion a été confiée, par les soins du ministre et contrairement aux textes en vigueur, au secrétaire général, en la personne de Nestor Andome Ayi, véritable homme lige.
 » Le secrétaire général du ministère est chargé d’assurer (…) la gestion des fonds prévus par les Contrats et Conventions en vigueur liant l’Etat aux sociétés exerçant leurs activités sur le territoire » (note de service du 23 Juin 2023).
Il s’agit, dans l’ordre, des fonds de formation, des des fonds de soutien aux hydrocarbures, et des fonds d’équipements de l’administration des hydrocarbures.
De même, Vincent de Paul Massassa a fait main basse sur les Comptes pourtant placés sous l’autorité légale de la Direction générale des hydrocarbures. Notamment les comptes ci-dessous :
– Compte Fonds de formation de la DGH :
Il s’agit d’un compte alimenté par des fonds contractuels de formation conformément au contrat pétrolier. Régulièrement garni, il n’est mouvementé que lors du paiement de la prime de formation sur instruction du ministre.
– Régies PSIP :
Lequel abrite la Prime Spéciale d’Incitation à la Performance virée par le Trésor et payée en principe aux agents selon le pouvoir discrétionnaire du Directeur général. Ce compte a été supprimé en 2021 et renommé « Compte DGH Services » mais n’a plus jamais été alimenté.
– Compte DGH séquestre :
Compte alimenté sur fonds propres (vente de données sismiques) de la DGH qui selon les textes devrait être administré de façon autonome par le Directeur général des hydrocarbures, a plutôt été détenu exclusivement par le ministre sans jamais avoir fait l’objet d’un audit.
– Compte Fonds d’équipements de la DGH. En principe géré en double signature (alternée) par le DGH et le Conseiller financier du ministre, Mme Léontine Oyouomi Loumbou Bibey en cas d’absence du DGH, ce compte s’est trouvé sans cesse vide, à cause de l’émission intempestive des chèques par le conseiller financier et ce, nonobstant la présence sur à son poste de travail du Directeur général des hydrocarbures.
– Compte Fonds de soutien aux hydrocarbures :
C’est le seul compte administré par le DGH et dont la signature a été limitée à 5 millions de FCFA par le ministre. On précise que le DGH a administré ledit compte jusqu’au 30 mars 2023, avant que le ministre le confiât au secrétaire général qui n’en a pas les prérogatives, et n’a guère payé la caution requise auprès de la Caisse de dépôt et de consignation (CDC).
A ce propos, enfin, le 20 avril 2023, l’ancien ministre avait décidé que le DGH et son Conseiller financier, et personne de confiance, auront désormais la co-signature sur tous les comptes de la Direction générale des hydrocarbures. Si l’on en croit une voix autorisée, le DGH, Edgard Mbina-Kombila s’est démarquée de cette « mascarade », en refusant de co-signer les nouveaux cartons émanant de la CDC. Ce refus légitime de cautionner l’imposture en vogue explique la situation de blocage vécue en interne, et à l’origine de l’interruption de la fourniture d’internet par Gabon Télécom et la suspension du contrat d’assurance maladie par Ascoma…
On le voit, l’héritage que laisse Vincent de Paul Massassa au ministère en charge du Pétrole et des hydrocarbures n’est guère reluisant. Car il symbolise la gestion outrancière des deniers publics et des ressources humaines.
Enfin, sa stratégie de « la chute de l’Okoumé », pratiquée avec la complicité d’une presse aux ordres passe plutôt mal dans l’opinion. A savoir, celle tentant sans vergogne de laisser croire que des entreprises pétrolières attachées à la transparence financière, et qui versent directement leurs partis contractuelles mensuelles et les bonus pétroliers dans un Compte dédie du Trésor public domicilié à la BEEAC, auraient fait des dons à la DGH en 2021. Pathétique !
Seul, l’homme doit répondre de ses actes cupides devant la Justice.
Au final, tel est le contexte global dans lequel Marcel Abéké, personnalité crédible et réputée pour son jugement rigoureux effectue une entrée significative au gouvernement.
Pour autant, cet Ingrédient en Mines, pur produit de l’Ecole polytechnique de Montréal et de l’Institut de contrôle de gestion de Paris, Option Management, longtemps à la tête de la filière franco-gabonaise du Manganèse, n’est point un noviciat du landerneau politique gabonais. Jadis, Conseiller Spécial du président Omar Bongo Ondimba (1993), il fut Maire – PDG de Léconi, dans le Sud-est.
Un potentiel technique et politique unique pour rétablir un dialogue confiant en interne et avec les opérateurs économiques du secteur pétrolier.